La mesure du probable et l’entre-deux des catégories

Logo_proba_4.svgDans la précédente note sur L’émergence des probabilités, je présentais la manière dont le concept de probabilité avait profondément changé depuis l’antiquité pour devenir celui que nous connaissons à partir du XVII° siècle.

Poursuivons donc, si vous le voulez bien, cette généalogie des probabilités. more »

Les conditions d’émergence des probabilités

Le statut de l’autorité dans les débats et controverses de la casuistique

On fait généralement remonter à Aristote la première occurrence du terme « probable ». Dans ses Topiques, où il écrit :

« Sont probables les opinions qui sont reçues par tous les hommes, ou par la plupart d’entre eux, ou par les sages, et parmi ces derniers, soit par tous, soit par la plupart, soit enfin par les plus notables et les plus illustres »

Dans la distinction traditionnelle entre connaissance et opinion, le probable désignera, jusqu’à la renaissance, non pas ce que nous entendons aujourd’hui comme probable – c’est à dire plausible ou possible selon un certain degré de certitude – mais ce qui, dans le domaine de l’opinion, est « digne d’approbation » ou « digne de foi ».

La probabilité est alors un indice de confiance.

La probabilité renvoie à la probité d’une autorité, qui peut être le nombre de personnes qui partagent une opinion, ou l’autorité (morale, religieuse, savante, etc.) d’une tierce personne.

Ce concept de probabilité, tel qu’il perdure dans la scolastique, va entrer en crise dans le cadre des pratiques casuistiques et à l’occasion de l’émergence du probabilisme. more »

16 Juil 2013, 4:11
Défaut:
by

7 comments

Big Data bullshit

Big-Data-A-Revolution-That-Will-Transform-How-We-Li-62458Je suis particulièrement étonné par le discours actuel sur les big data ; discours selon lequel nous serions passé de la causalité à la corrélation. Je pense surtout à la thèse de Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier, dans leur livre Big Data : une révolution qui va transformer notre façon de vivre, de travailler et penser. (voir l’excellent article de recension de Hubert Guillaud : Big Data : nouvelle étape de l’informatisation du monde.) more »

Le lettré chinois est un chamane

Il est toujours délicat de parler de “lettrés” chinois quand on sait qu’il n’y a précisément pas de lettres dans l’écriture chinoise.

Aussi, tous les éclairages que produit Sylvain Auroux dans “La révolution technologique de la grammatisation”, quand il met en lumière le processus de constitution des grammaires et des vocabulaires de la langue qui s’écrit en spatialisant la parole grâce au découpage des mots en une suite finie de lettres – ces processus de grammatisation qui sur-déterminent largement notre philosophie et nos modes de pensées – tous ces éclairages donc, deviennent “lettre morte” quand on porte notre regard vers l’empire du milieu.

more »

1 Juil 2013, 9:32
Défaut:
by

leave a comment

Shots that changed my life (41)

Killing them Softly, USA, 2012, Réalisé par Andrew Dominik.

Dans ce film de truands, l’influence de Tarantino est évidente. Les protagonistes aiment à discuter et disserter avant d’appuyer sur la gâchette.

Mais ce n’est pas du Tarantino : d’abord parce qu’il n’y a pas le génie de Tarantino, mais aussi et surtout parce que contrairement à Tarantino, c’est un film politique qui nous livre son message dans les dernières minutes avec cette fameuse réplique du personnage de Brad Pitt, sur fond de discours de campagne d’Obama à la télévision :

« America is not a country, it’s just Business »

Un film qui prend un relief particulier après les révélations sur les pratiques de la NSA sous l’administration Obama.

20 Juin 2013, 4:21
Défaut:
by

14 comments

Comment savoir rapidement ce qu’on ignore ?

Sur France Culture, chez A. Veinstein, l’auteur et  libraire Olivier renault disait qu’il avait tendance, quand il rentrait dans une librairie qu’il ne connaissait pas, à chercher d’abord des livres qu’il connaissait et qu’il appréciait particulièrement.

Si ces livres de référence ne sont pas présents, c’est une grande partie du crédit accordé à la librairie qui risque de faire défaut.

Je crois que nous faisons tous çà. Nous avons tendance à aller dans le rayon que nous connaissons, voir ce qui s’y trouve – si les oeuvres qui font référence à nos yeux sont bien présentes – pour, à partir de là, se faire un avis sur l’intérêt général de la librairie.

more »

5 Juin 2013, 10:35
Défaut:
by

1 comment

L’approche pre-mortem d’un projet

Pre-MortemGary Klein a  proposé une approche qu’il a qualifiée de pre-mortem concernant la prise de décision de lancement d’un projet ou d’une quelque autre décision importante pour une entreprise. Il s’agit de prendre le contre pied du diagnostic classique post-mortem suite à l’échec d’un projet ou d’une décision particulièrement engageante.

L’approche pre-mortem est un exercice auquel les participants se livrent volontiers et souvent avec un certain délice.

Imaginez donc une organisation qui va prendre une décision importante, par exemple le lancement d’un projet structurant, ou encore le rachat d’une autre entreprise, etc.

Juste avant que l’annonce ne soit officiellement faite, il s’agit de rassembler en séance les quelques personnes qui sont déjà informées de ce qui va être annoncé, et leur dire : more »

Critique des démarches agiles

Ce texte est celui de ma conférence à Agile France 2013 (où j’ai fait un carton avec 6 auditeurs dans une salle de 300 places 🙂 )

Critique des démarches agiles sur des logiques temporelles très grandes.

Mon propos va aborder l’Agile selon des perspectives temporelles beaucoup plus larges que celles dont on parle généralement quand il est question d’Agile.

C’est donc un choc de temporalité auquel je vous invite.

Si je vais convoquer anthropologie et l’histoire des techniques, c’est pour mettre en place un cadre de compréhension de l’enjeu des démarches Agiles ; ce qui me permettra de faire une proposition en conclusion de mon article. more »

10 Mai 2013, 10:49
Défaut:
by

10 comments

« Théorie du drone », de Grégoire Chamayou : la guerre est finie

4082804241C’est un travail remarquable – et remarqué – que vient de publier Grégoire Chamayou avec sa « Théorie du drone ».

La théorie est en retard sur la pratique, rappelle l’auteur en début d’ouvrage. À cela rien de nouveau : la théorie est toujours et systématiquement en retard sur la pratique. Mais quand la distance devient trop grande, on s’en laisse trop facilement compter par ceux qui sont aux commandes de la pratique. En ce sens, l’objectif de « Théorie du drone » est pleinement atteint : il y a une re-problématisation des enjeux ainsi qu’un travail critique qui s’avère, le livre lu, non seulement utile et intéressant, mais nécessaire.

Nécessaire car l’auteur procède à une re-qualification et une re-catégorisation des activités belliqueuses à la lumière des évolutions technologiques, et notamment de ces fameux drones qui font l’actualité : depuis les fuites de Wikileaks, jusqu’aux documentaires vidéos en passant par les journaux télévisés et autres jeux vidéos.

J’insiste sur les termes de re-qualification et re-catégorisation : c’est un travail sur les catégories qui est ici proposé avec le postulat suivant : les catégories procèdent fondamentalement des techniques ; elles sont fondamentalement techniques. Ce qui signifie que l’évolution des techniques et des technologies nécessite une réactualisation permanente des catégories. Le travail que fait ici Chamayou, d’autres le font dans d’autres domaines : dans la fiscalité, dans le commerce, dans le travail, dans l’économie, etc. et tous ont une visée politique, en ce sens que la politique – le lieu ou les décisions se prennent – doit être éclairée par les bonnes catégories pour pouvoir prendre les meilleures décisions. Les catégories sont les lunettes à travers lesquels ont perçoit le réel (les catégories sont des instruments) : un mauvais réglage, de mauvais verres, et les choix seront biaisés.

Le livre de Chamayou est en ce sens un livre de philosophique car il éclaire le politique (et nul doute qu’il aura de nombreux lecteurs attentifs dans les états majors de l’armée française, puis ailleurs une fois traduit, ce qui ne devrait pas tarder). more »

Sur le livre « Pharmacologie du Front National » de Bernard Stiegler

Pour qualifier le dernier livre de Bernard Stiegler, “Pharmacologie du Front National”, peut-être peut on commencer par citer les premiers mots de la préface :

“Cet ouvrage est un instrument. Il a été conçu comme tel – et en vue de mener des luttes. Comme tout instrument, il faut le pratiquer. Et comme tout instrument, il devrait instruire ceux qui le pratiquent : à travers leurs pratiques, l’instrument tend à instruire un aspect du monde que ses praticiens ont en commun et surtout font en commun.”

more »