Le bonheur au travail – Au delà du Bullshit

A l’invitation des organisateurs de Devoxx 2019, j’ai eu le plaisir de faire la conférence d’ouverture devant un public essentiellement constitué de développeurs.

J’ai convoqué les travaux de David Graeber, Matthew Crawford et surtout présenté le thème le plus important qui est le processus de prolétarisation tel qu’il a été proposé par Bernard Stiegler sur la base des travaux de Marx.

Il y a quantité d’autres conférences techniques de grande qualité à voir la chaîne Youtube de Devoxx.

Comment éviter de se faire court-circuiter par le digital ?

Voici la video de mon intervention à l’USI où j’ai parlé des automatismes devant un public d’entreprise (DSI, Marketing, Innovation).

Je vous invite à regarder d’autres vidéos de cette conférence évènement, par exemple celle de Cédric Villani : Pour faire naître une idée.

Software Craftsmanship & Mode d’existence des objets techniques

swcraftmanship

Les systèmes techniques doivent en permanence être corrélés avec les systèmes sociaux. Par système social il faut entendre tout ce qui relève des organisations collectives : un système politique, un système de soin, d’éducation, une organisation du droit, du commerce, du travail, etc.

L’articulation entre les systèmes sociaux et les systèmes techniques est celle qu’a mis en évidence Bertrand Gille en expliquant que la dynamique d’évolution des systèmes techniques était à l’origine d’un désajustement entre système technique et système social. Ce qui conduit inévitablement a des périodes de troubles et de crises.

Comme les évolutions technologiques sont devenues chroniques et quotidienne, nous sommes dans un désajustement systémique. more »

La déprolétarisation du consommateur

Ci-après un extrait d’une réunion du groupe de travail sur les technologies relationnelles d’Ars Indsutrialis.

La question était celle de la déprolétarisation du consommateur (prolétarisation = perte de savoir) et, en l’occurrence, des solutions web qui peuvent contribuer à modifier les comportements dans les actes d’achats.

Avec l’approche « CustomersValues », discutée dans cet extrait, Henry Peyret porte une vision basée sur les « valeurs ».

 

Automatismes et cerveau

Le processus de prolétarisation (qui est un processus de perte de savoir) a beaucoup à voir avec les logiques d’automatisation. En effet, ce qui est automatisé est par définition ce qui peut être pris en charge par les machines et, une fois délégué aux machines, il y a nécessairement des logiques de pertes de savoir, d’un savoir qui passe dans la machine.

Par rapport à ce contexte, il faut se méfier de deux choses :

  • de diaboliser la prolétarisation. Perdre des savoirs n’est pas un mal en soi ; il y a quantité d’activités dont nous aimerions qu’elles soient prises en charge par les machines (que l’on pense aux tâches ménagères) ;
  • d’associer dans un même élan automatisation et prolétarisation en affirmant que toute automatisation conduit nécessairement à de la prolétarisation, tout du moins dans son aspect négatif.

Je n’insisterai pas ici sur le premier point, à savoir les « vertus » de la prolétarisation, mais plutôt sur le second, sur la question de l’automatisation. more »

Le travail en perruque à l’heure du numérique

En m’appuyant sur les travaux de Michel Anteby et de Michel de Certeau, je vais tenter de montrer que l’évolution des pratiques de la « perruque », notamment dans le contexte numérique, peut donner de précieuses informations sur l’émergence d’une économie de la contribution.

Le travail en perruque

Outre le pastiche du coiffeur que désigne le plus couramment le terme de perruque, le mot désigne également une forme de détournement dans l’utilisation des biens ou de l’outil de production de l’entreprise.

La perruque peut être définie comme :

“L’utilisation de matériaux et d’outils par un travailleur sur le lieu de l’entreprise, pendant le temps de travail, dans but de fabriquer ou de transformer un objet en dehors de la production de l’entreprise” (R. Kosmann, La pérruque où le travail masqué. Renault, Histoire 11(juin), Société d’histoire du groupe Renault, Boulogne Billancourt, 20-27)
Il existe de nombreuses variantes du terme de “perruque” : “bricoles”, “pinailles”,  “bousilles”, “pendilles” en France ; “homers”, “government job” aux États-Unis ; “fidding” ou “pilfering” en Angleterre (Michel Anteby, La “perruque” en usine : approche d’une pratique marginale, illégale et fuyante (PDF). Revue Sociologie du travail, 2003, vol. 45, no 4 pp. 455-456).

Du vol caractérisé aux petits arrangements sans conséquences, il y a toute une palette de formes de travail en perruque dont les contours sont fuyants, l’activité étant d’ailleurs comparée à du braconnage. Mais la qualification qui revient le plus souvent pour caractériser le travail en perruque est celui de “détournement”. more »

Prolétarisation paysanne et terracide

Dominique Guillet, fondateur de Kokopelli, association qui produit et distribue des semances potagères bio de variétés anciennes, fait l’ouverture du documentaire « Solutions locales pour un désordre global » de Coline Serreau. Il va poser ce qui constitue les prémices de la thèse qui est défendue par la réalisatrice :

« Qu’est-ce que c’est la première guerre mondiale en fait ? C’est l’éradication de la paysannerie franco-germanique qui se fait massacrer au front, des millions de paysans sont morts ! »

Dominique Guillet

Puis il poursuit :

« Et donc, cette entreprise de dé-paysannerie a été parachevée par le deuxième guerre mondiale. Et viens se greffer, par dessus tout cela, la synthèse de l’amoniaque qui permet de faire des bombes et qui après permet de faire des fetilisants de synthèse. Ensuite, l’invention du gaz moutarde qui va donner quoi ? Eh bien tous les insecticides, qui sont des gaz de combats. Puis, avec le pla, Marshall de 1947, les États Unis arrivent avec leur tracteurs qui sont la suite logique des tanks.
Donc, en fait, l’agriculture occidentale est une agriculture de guerre. »

Ce propos est ensuite souligné par celui d’Ana Primavesi, ingénieur agronome, docteur, professeur en gestion des sols de l’université de Santa Maria: more »

Le bon sens paysan

Entendre et lire André Pochon m’a été très utile pour comprendre la situation paysanne et agricole en Europe et surtout en France. Bien connu dans le monde de l’écologie et de l’agriculture, ce paysan aujourd’hui retraité n’est pourtant pas connu du grand public, surtout si l’on quitte le milieu agricole et paysan.

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« Socrate et les Hackers » de Bernard Stiegler

C’était hier soir, à la Maison de la Culture de Malakoff.

Pas tellement de Socrate ni de Hackers dans cette intervention, mais plutôt un bouquet de réflexions et de remarques autour de la figure de l’amateur avec les problématiques de prolétarisation en embuscade :

Une question sur l’autodidacte :

Une question sur les partis politiques et leurs « permanents », puis une discussion autour de l’appel du 22 mars et la coopérative politique de Cohn-Bendit :

Réponse à une objection sur « la prolétarisation dans les sociétés informatiques »

Didier Girard, sur Application Servers , fait une remarque intéressante à propos de ma note sur la prolétarisation dans les société informatiques :

Dans certaines branches, l’opensource est un des vecteurs de la prolétarisation, je pense en particulier au monde java. Il y a quelques années lorsque nous devions développer une application java nous devions tout faire : coder un struts, coder un spring, coder un hibernate, coder un maven… Ce n’était pas très productif pour nos clients mais par contre c’était très formateur pour nous, ingénieurs.
Maintenant ce n’est plus le cas, les projets démarrent, les « architectes » assemblent deux ou trois frameworks et le tour est joué. La conséquence est moins réjouissante, ces « architectes » ne sont plus capables de coder un framework, tout juste sont-ils capables d’en comprendre le fonctionnement. Encore quelques années et je vais m’ennuyer ferme lorsque je recevrai un candidat pour un entretien d’embauche…

J’ai côtoyé des ingénieurs dans la plupart des industries : chimie (SNPE, Isochem, Saint Gobain), mécanique et électronique (Renault, PSA, EADS). Ainsi, les plus anciens se plaignent toujours que l’évolution des techniques fait « perdre de vue » le fonctionnement général de l’objet technique. Dans l’automobile, par exemple, certains des ingénieurs qui travaillaient sur plan n’ont pas pu se faire au travail assisté par ordinateur en CAO, ils ne « voyait plus » la voiture. Le constat est souvent le même, et on pourrait le résumer avec la remarque que nous faisait un des mes professeurs de mathématique :

Avec ces calculettes vous ne savez plus calculer.  De mon temps, il faillait faire un effort pour compter. Aujourd’hui vous rentrez une fonction et çà vous fait toute l’étude, çà vous dessine même la courbe. Ces machines vous rendent idiots !

La perte de connaissances et de savoir faire est donc une composante intrinsèque de l’évolution des techniques et des technologies, y compris dans les technologies open source de l’informatique. C’était déjà perçu par Platon qui pointait du doigt les techniques d’écriture qui externalisaient la mémoire (Stiegler souligne à ce propos que le premier discours sur le prolétariat remonte à Platon).
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