Prix et valeur de la collaboration dans le travail

Il y a une logique économique qui pervertit bien des projets menés au forfait. C’est celle qui consiste à ne pas prendre en compte la collaboration et plus généralement l’ajustement entre les différentes tâches effectuées. Il y a toujours là une forme d’incapacité à estimer le coût et la valeur d’un travail collectif.

La chose n’est pas nouvelle, et déjà Proudhon en faisait une de ses critiques du capitalisme :

« Le capitaliste, dit-on, a payé les journées des ouvriers ; pour être exact, il faut dire que le capitalisme a payé autant de fois une journée qu’il a employé d’ouvriers chaque jour, ce qui n’est point du tout la même chose. Car cette force immense qui résulte de l’union et de l’harmonie des travailleurs, de la convergence et de la simultanéité de leurs efforts, il ne l’a point payée.
Deux cents grenadiers ont en quelques heures dressé l’obélisque de Louksor sur sa base (place de la Concorde) ; suppose-t-on qu’un seul homme, en deux cents jours, en serait venu à bout ? Cependant, au compte du capitalisme, la somme des salaires eut été la même. « Qu’est-ce que la propriété ? Ed. Rivière, 1840, p. 215.

Mais si cette idée que le tout est supérieur à la somme des parties apparaît comme une évidence dès que l’on parle de travail manuel, reste qu’elle n’est pas aussi vraie dès qu’il y a « prestation intellectuelle », dès que l’on sort du simple effort musculaire. Sur un projet informatique, on sait très bien que multiplier les développeurs et les jours/homme est contre-productif.

La valeur de la collaboration a des optimums qui dépendent du type de travail à réaliser et des compétences singulières qui sont mobilisées sur le projet. Cet optimum est toujours très difficile, voire impossible, à connaître a priori. Alors on l’oublie trop facilement et l’on choisit de ne considérer que la valeur de la force de travail, qui n’est jamais la valeur travail.

Note que le droit du travail prend un peu ça en compte en ne payant pas forcément les gens « à la tâche » : dans mon école au Havre ou à la fac je me sens autre chose qu’un employé à l’heure… Ne serait-ce que parce que je suis payé pendant les vacances.
C’est bête et évident mais il fallait que je le dise 🙂

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C’est vrai mais là, en l’occurence, il n’y a pas de collaboration, sauf si vous faîtes le cours à plusieurs.

Par ailleurs, quelqu’un que je ne dénoncerai pas me dit que « Même en prenant neuf femmes, il est difficile de faire un enfant en un mois… » 😉

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Bonjour Christian,

Avec l’exemple presente, la collaboration dont tu parles s’assimile aisement a la coordination.

Les coûts de co-ordination sont largement pris en compte par la théorie économique (agence et contrats particulièrement) … au point de servir de justification à l’entreprise face à un marche réputé « pur et parfait » … et ainsi à Coase d’empocher un prix Nobel en 39 (avec le ricochet qu’on connaît en 2009 avec Wiliamson).

Ce qui est le problème, le problème que tu soulignes et qui apparaît clairement quand on a évacué la confusion collaboration – coordination, c’est la mesure du travail intellectuel (niveau 1) dans sa dimension sociale (niveau 2).
Niveau 1: On sait que le travail intellectuel est moins linéaire que le travail physique – en qualité et en quantité – donc le calcul horaire est déjà discutable.
Niveau 2: La plupart des dispositifs de mesure et d’incitation sont bases sur l’individu, ce qui rend myope l’organisation et souvent contre-incitatif.

Au final, c’est une critique de la mesure que tu formules, mais celle-ci porte principalement sur les outils (et non la méthode). C’est un sujet que j’ai travaillé il y a quelques années, on peut en discuter off-line 🙂

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Justement dans une école d’art, on collabore, parce qu’on se relaie à accompagner la formation de jeunes gens (qu’on voit arriver bacheliers et qu’on quitte parfois jeune parents…).
Mais bien sûr, tout travail salarié n’est pas collaboratif, loin de là.

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@ Olivier : il peut bien y avoir des nobel qui ont répondu à cette question mais sur le terrain je ne vois pas grand chose.

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13 Mar 2010, 12:32
by bdauvergne

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Il manque les intérêts dans cette comptabilité. Si je paie quelqu’un sur 200 jours, l’argent que je n’ai pas encore dépensé me rapporte. Si je paye 200 jours de travail d’un coup, j’ai donc perdu les intérêts équivalent, et donc je paye plus cher finalement. Tout ça pour conclure que pour lever un obélisque il faut du capital, pas seulement du travail.

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Oui, mais si le travail qui est payé rapporte lui aussi, plus tôt c’est fini plutôt il rapporte (et peut-être plus que l’intérêt du capital). Bien sûr cela ne s’applique pas à l’obélisque 🙂

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