3 Oct 2009, 3:28
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Le travail et la baisse tendancielle du taux de profit

Parlant de la baisse tendancielle du taux de profit, il faut rappeler qu’elle résulte du rapport entre le capital constant (les moyens de production) qui ne cesse de s’accroître et le capital variable (le travail salarié) qui ne cesse de diminuer. C’est donc autour de la question du travail que les enjeux se nouent. Il faut même préciser immédiatement autour de la distinction entre travail et emploi.

Je vais à ce propos parler d’un milieu que je connais, celui des cabinets de conseils et des SSII. Dans ce milieu, il n’est pas rare de faire beaucoup d’heures de travail : depuis tôt le matin, puis toute la journée – y compris pendant le repas – jusqu’à tard le soir, quand ce n’est pas également le week-end.

Avec un tel emploi du temps il ne reste pour ainsi dire plus aucune place pour autre chose que l’emploi, il y a mécaniquement une forte demande pour des services :

  • service de restauration rapide et de livraison à domicile
  • service de gardiennage et de baby-sitting
  • service de ménage
  • etc.

On fait appel à tous ces services car on n’a pas, ou plus, le temps : plus le temps de préparer ses repas et de faire la cuisine, plus même le temps de manger ensemble car les emplois du temps ne le permettent plus (combien arrivent à leur domicile quand les enfants sont déjà couchés ?). Plus le temps de s’occuper de ses parents, et parfois même de ses amis. Et même lorsqu’on n’est plus dans le cadre de nos horaires de travail, l’épuisement nous pousse vers d’autres services à prêts à consommer : ceux que proposent les industries de la distraction et du tourisme (Center Parcs, clubMed et autres).

Au final, on ne travaille plus vraiment, on est juste tour-à-tour employé puis employeur. Le temps de l’emploi devient hégémonique et nous pousse à sous-traiter – à outsourcer – ce que Stiegler appelle les savoirs-vivre et les savoirs-faire, pour immédiatement rappeler que la perte de ces savoirs conduit inexorablement à une perte des saveurs.

On comprend aisément que le secteur des services à la personne soit présenté comme le nouveau relai de croissance du capital variable : celui qui va améliorer les chiffres de l’emploi. Ainsi, à côté de chez moi, de nouveaux types de magasins ouvrent leur porte : il y a toujours les fast-foods et autres restos chinois, japonais, grecs, etc. mais aussi maintenant ce sont les Shiva (aide à domicile) ou des Acadomia (Soutien scolaire) qui commencent à pousser comme des champignons.

On pourrait objecter que la population qui fait appel à tous ces services est une population d’ingénieurs et de cadres. C’est vrai, mais cela l’est aussi pour ceux qui ont des horaires de travail plus proche des 35 h ou des 39 h mais qui doivent faire 3 à 4 heures de transport par jour pour se rendre sur leur lieu de travail. Cette prolétarisation (perte des savoirs-faire et des savoirs-vivre) touche toutes les classes sociales, y compris les plus aisées.

A mesure que nos emplois nous dépouillent du temps et de la possibilité d’exercer des savoirs-faire et des savoirs-vivre, le système nous pousse ainsi à consommer des services de substitutions. Mais le compte n’y est pas : il s’agit juste de « différer tout en les aggravants les effets de la baisse tendancielle du taux de profit » (Stiegler, Pour une nouvelle critique de l’économie politique, p.42). La question du travail, tout en restant prioritaire dans les discours politiques reste paradoxalement occultée car on lui substitue celle de l’emploi en hypothéquant du même coup toute notre économie libidinale.

7 Oct 2009, 5:01
by bdauvergne

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Allez lire « The functions of incompetence » http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download;jsessionid=DA36D6D6B6101A0FE4A5674190D295B3?doi=10.1.1.43.4452&rep=rep1&type=pdf, tout y est dit il y a 20 ans déjà.
À mesure qu’une société se complexifie et demande une spécialisation des compétences de plus en plus accrue, l’incompétence en général devient la norme. Les généralistes n’ont plus la cote.

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Merci pour le lien vers ce texte

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