14 Juil 2008, 11:39
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Valse avec Bachir

Je suis longtemps resté assis sur mon siège après la dernière image du film « Valse avec Bachir ». Les jambes coupées, l’esprit ailleurs, il m’aura fallu faire un effort pour sortir de ce voyage hypnotique. Une fois sorti de la salle de projection, il m’était impossible de parler, d’échanger quelque mot que ce soit.

Muet, comme si j’avais déjà perdu la mémoire des images que je venais de voir, tout comme le réalisateur, Ari Folman, qui se met lui même en scène dans cette oeuvre en cherchant à retrouver la mémoire des événements qu’il a vécu, il y a une vingtaine d’années, dans l’armée israélienne, pendant la guerre du Liban.

Interrogeant d’anciens camarades, des psychologues, des journalistes, l’auteur va petit à petit reconstituer le puzzle de la mémoire des événements qu’il a oublié en mettant en scène la mémoire des autres.

Car c’est par la constitution d’une mémoire collective, que l’auteur va retrouver la sienne. Magie du cinéma, ces puzzles mémoriels seront les nôtres à la fin du film. C’est aussi pour çà que l’on sort grogis de la projection, comme si nous même nous sortions d’une guerre, avec les mêmes symptômes que l’auteur au début du film. En ce sens, c’est un film qu’il est très facile d’oublier, comme l’auteur qui a oublié la guerre qu’il a fait, parce que c’est un film dont il est difficile de parler. J’ai ainsi remarqué que ceux qui étaient à la même séance que moi restaient pour la plupart silencieux, plongés dans leurs nouveaux souvenirs par procuration.

Point de discussion ni ne socialisation après le film donc, comme lorsqu’on se réveille avec un rêve qui flotte encore dans notre esprit mais dont on n’arrive pas à trouver les mots pour l’évoquer. Alors on se tait car on se sait affecté au plus profond de soi-même, dans un lieu où le langage à du mal à se frayer un chemin.

Avec une magie technologique portée par le mélange de l’image et du dessin, Ari Folman a réussi à dialoguer avec l’imagination du spectateur. L’irréel et l’hyper-réel arrivent à fusionner dans une expérience où l’on a la sensation de voir non pas la réalité mais une réalité-mémorielle. C’est des shoots de mémoire et d’expérience vécue qui nous sont assénés durant tout le film, mené comme une enquête à la manière d’une recherche du temps perdu moderne, grâce à une écriture cinématographique renouvelée.

Chaque minute du film nous place un peu plus dans une sensation d’hypnose, jusqu’à la dernière image où, tel un réveil brutal, des images video, bien réelles, nous plongent dans le cauchemar de la réalité. Et c’est avec cette sensation de stupeur qu’il faut trouver le courage de se lever de son siège et sortir de la salle la gorge encore nouée de la honte d’être un homme.

Voilà une oeuvre qui explose les taxinomies et les plans de classement traditionnel du cinéma : drame ? Film de guerre ? Documentaire ? Dessin animé ? Une oeuvre majeure en tous cas, puisqu’elle ouvre un monde et nous ouvre un monde en nous inscrivant dans une mémoire collective.



Ce soir, c’est comme si je l’avais fait, cette putain de guerre.

15 Juil 2008, 2:34
by Gabriel K.

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J’ai vu ce week end également ce film superbe, osé, tellement intelligent, honnête et moderne. Merci pour ces paroles cette analyse.
J’ai aussi beaucoup apprécié la non héroïsation de la guerre, la froide trouille qui saisit tous les protagonistes… Et le ton froid , sans sentimentalisme, de cette plongée dans la psychologie de ces actes.

Si tout le monde pouvait voir ce film, en ce moment, tout le temps

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Valse avec Bashir, de Ari Folman…

Hier soir, j’ai eu la chance d’aller voir le film d’Ari Folman, Valse avec Bashir….

Bravo pour ce commentaire complet, qui formule parfaitement ce que je voulais dire à ceux qui n’ont pas vu cette oeuvre… Je leur fais part de ce pas de cette belle analyse. Merci et à bientôt!

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Très bon article.
Tout à fait juste.

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Valse avec Bashir est toujours à l’affiche en France. Un record pour un film israélien!

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