Faut-il sauver le soldat Bayrou ?
D’une certaine façon, on peut dire que je ne suis pas vraiment d’accord avec les idées politiques de Marie-France Garaud. J’éprouve toutefois un vrai plaisir à l’écouter quand elle passe dans les médias. Quel phrasé et quel art rhétorique ! Ajoutez à cela cette capacité de décocher des pics à destination de ces ennemis politiques. On lui prête ainsi le bon mot suivant :
« Je croyais que Chirac était du marbre dont on fait les statues. En réalité il est de la faïence dont on fait les bidets. »
Mais ne pas être d’accord avec ses idées, ou ses arguments, ne doit pas empêcher de reconnaître que dans ses choix, elle se positionne immédiatement sur les lieux où des décisions politiques doivent être prises en priorité.
Ainsi soulignait-elle récemment la nature et l’évolution du clivage des partis politiques :
« Depuis 1989, la question politique majeur a changée. Aujourd’hui le clivage politique n’est plus entre le capitalisme et le communisme, il se joue sur dans la question européenne : quelle est la nature de la construction européenne ? Comment l’Europe doit-elle s’organiser, et quelles sont les compétences de l’Europe et des états ? »
On voit bien que la question européenne, ainsi que les conséquences du référendum sur la constitution européenne, sont passées sous silence dans la campagne présidentielle actuelle :
« Or pourquoi le problème n’est-il pas posé, notamment pendant la campagne présidentielle ? C’est parce que les partis historiques, qui se sont constitués sur le clivage droite/gauche, sont traversés par leurs divergences d’appréciation du problème européen. (le RPR avec Maastricht, puis le PS avec le référendum sur la constitution). Les partis ne veulent pas que cette question soit posée car cette question les disloque. »
Marie-France Garaud en conclu que, à droite comme à gauche :
« L’unité du parti prévaut sur le respect du citoyen. »
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On souligne souvent la marge de manoeuvre de plus en plus étroite des gouvernements des pays membres de l’union européenne ; ils ne seraient que la chambre d’enregistrement des décisions du parlement européen. De fait, si le lieu de décision est l’Europe, comment ne pas considérer le rapport politique qu’entretiennent les partis avec le peuple français comme une mascarade ? Comme pour entretenir l’illusion que le gouvernement national continuait à prévaloir.
Si la question européenne était réellement posée, et si le résultat des urnes était pris en compte, alors les logiques d’appareils de partis devraient nécessairement faire place à des logiques plus opérantes dans lesquels les clivages droite-gauche actuels deviendraient caduques.
La « troisième voie » de François Bayrou, si elle se concrétisait, aurait un premier mérite qui serait celui d’initier une recomposition à marche forcée des partis politiques, avec peut-être l’espoir qu’il y ait un recouvrement entre les enjeux européens et nationaux. Avec un gouvernement « d’union nationale », les partis entreraient dans une zone de forte turbulence ; comment en ressortirait-ils ?
Si l’on poursuit cette logique, il serait souhaitable que les élections européennes soient également les élections par lesquelles le gouvernement national se constituerait. La bicéphalie des élections législatives et européennes maintient en effet une opportunité permanente pour les partis actuels de désolidariser les enjeux entre les politiques nationales et européennes.
Faut-il sauver le soldat Bayrou? Faut-il croire que son gouvernement d’union nationale déplace les centres de gravité des partis politiques actuels, ces partis d’audience ?
Bonjour,
l’analyse est intéressante, même si je ne partage pas toujours le point de vue de Marie-France Garaud. Le seul vrai clivage qui vaille aujourd’hui c’est sans doute le clivage européen. Et je crois alors que Bayrou est visionnaire, avant gardiste. J’espère que les français lui donneront raison : alors oui, il faut sauver le soldat Bayrou, le sauver et le faire gagner!
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Pas le temps de chercher quel était le bulletin que le propriétaire du lieu tenait dans sa main il y a deux ans …
(mais les statistiques m’inclinent à croire qu’il s’agissait d’un mot de trois lettres (sourire)² toutes des voyelles)
La question qui se pose à propos de l’Europe
masquée par l’existence du plan B (en fait, son refus de la part des prescripteurs d’opinion)
est celle de l’inexistence d’un plan A !
Luc Comeau-Montasse
du fagot des Nombreux
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