Ce n’est pas moi
Il a un blog, il s’informe en agrégeant les fils RSS, excelle dans la pratique et l’utilisation des moteurs de recherche. Il est abonné à la plupart des services de Google, il utilise del.icio.us, Flickr, Technorati et tous les sites Web 2.0. Il est même un peu connu sur le Net.
Seulement voilà, il s’ennuie.
Il s’ennuie parce qu’il ne sait pas où il va. « A quoi bon tout celà ? » s’était-il dit l’autre jour. Alors, pour se détendre, il a fait un tour sur YouTube, mais çà lui a donné la nausée ; un peu comme quand on abuse de Video Gag. Il a jeté un oeil sur son agrégateur de news, où les notes non-lues s’amoncelaient, mais il a tout de suite fermé l’application, comme par réflexe, instinctivement.
Son travail ? Peu importe il n’y croit plus. Au départ, la différence de perception entre son activité sur le web et son travail l’avait amusé, puis les deux mondes s’étaient séparés, brutalement. Rapidement, son activité d’internaute 2.0 a occulté ses relations avec ses amis, puis sa famille, et finalement son environnement professionnel.
Cet internaute 2.0 est dépressif. Il voit pourtant bien qu’il n’est pas seul, il perçoit bien la réalité des communautés et des réseaux auxquels il participe et qui font l’euphorie des entrepreneurs 2.0 et des medias 2.0.
Mais rien n’y fait, il se sent seul, et il s’ennuie. Bref, il va mal.
Alors il va sur Meetic, pour faire des rencontres, et peut-être plus si affinités. En fait, çà marche plutôt bien Meetic, il a fait de nombreuses rencontres. Seulement, ces rencontres se succédant, il en vient à se demander ce qu’il est venu y chercher.
Même s’il voit beaucoup de monde, il a un sentiment de solitude. En fait il n’a pas de relations, il ne fait que des transactions. Il multiplie d’ailleurs les transactions en travaillant à étendre son réseau sur Viaduc ou LinkedIn, mais cela ne fait pas des relations, pas plus que les transactions qu’il fait sur eBay. Il n’a même plus de relations dans son entreprise, où il fait pourtant partie d’une « communauté de pratique ».
En fait çà va très mal.
De temps en temps, il se fait un petit shoot d’adrénaline en achetant en ligne avec l’option « One Click ». Il a remarqué que les produits qu’il achetait étaient essentiellement des produits dits « culturels » : livres, DVD, logiciels. Ou des produits technologiques : lecteurs MP3, ordinateur, PDA, téléphone mobile, téléviseur, etc. Mais lorsque le produit arrive, il se demande bien pourquoi il a acheté çà ? Car le temps que le produit arrive, c’est trop tard. Le produit ne peut soulager une pulsion qui relève du passé.
Il a constaté que dans l’achat en ligne, c’est le temps de livraison qui remplace le temps de déplacement vers le magasin. Du coup, c’est ses nerfs qui souffrent. Avant il était tout excité d’aller faire son achat dans un magasin ou une grande surface, puis il repartait immédiatement avec l’objet de son désir. Aujourd’hui, avec l’achat en ligne, le temps d’attente n’est pas avant l’acte d’achat, mais après. Il souffre tellement de cette attente que le vendeur en ligne lui propose un service en ligne pour suivre à la trace les déplacements de son produit.
Aujourd’hui, ce n’est pas son état qui l’inquiète, c’est plutôt l’intuition qu’il n’est pas le seul, que d’autres sont dans le même état, et que beaucoup d’autres encore vont y venir.
Serait-il le portrait de l’homme du XXI siècle ?
Pour se changer les idées, il va aller se faire implanter une puce RFID la semaine prochaine. Juste pour voir ce que çà fait.
Axiomatique numérique 2.0…
Le profil c’est le message (Daniel Kaplan sur l’Entrenet, compte-rendu chez Luc). La publicité, c’est le contenu. (Omid Kordestami, en charge des programmes AdSense et Adwords chez Google) On comprend mieux dès lors la solitude…