Le secret d’une transformation digitale

Hulk

Le contexte est assez générique quand il s’agit des entreprises que je rencontre sur le sujet de la “transformation digitale” : difficulté à coordonner les projets, les processus budgétaires qui n’arrivent pas à suivre, des phases d’études et de spécifications qui s’éternisent, des infrastructures qui ralentissent tout, un manque de confiance entre les équipes métiers et IT, etc. À ceci se rajoute des pratiques de méthodes agiles qui ne sont pas rigoureuses et qui, de toute façon, ne dépassent pas l’échelle d’un simple projet.

Il n’y a pas de formule magique de la transformation digitale, mais je crois qu’en ce qui concerne l’aspect “delivery” du digital (mise en production de nouveaux services et évolutions des services existants), il y a une façon assez simple de l’énoncer qui serait celle qui suit.

Tout d’abord, le problème est que les projets sont toujours pensés comme des “évènements”, et cela implique que l’organisation se plie au rythme et à la calendarité de cette logique événementielle.  On assiste, tout au long de l’année,  à une succession de rituels de passage : la phase amont, le développement, le pilotage, etc,  jusqu’à la douloureuse mise en production.

Dans tout projet il y a une forme de prétention, un petit côté : “vous allez voir ce que vous allez voir” mais qui, face au principe de réalité de nos organisations, se transforme souvent en douche froide, si ce n’est en frustration et en démotivation pour ceux qui y travaillent et y contribuent.

Face à ce constat, la démarche de transformation digitale vise à détricoter cette logique événementielle qui s’avère douloureuse. Ce qui est douloureux, et bien on va le faire tous les jours – un petit peu, certes –  mais tous les jours, comme par exemple les mises en production :

“Les mises en production des projets sont douloureuses ? Eh bien désormais nous passerons en Continuous Delivery et Continuous Deployment !”

Présenté comme cela, çà fait un peu masochiste comme méthodologie : à savoir faire quotidiennement ce qui nous fait souffrir deux ou trois fois par an. Mais cette quotidienneté a certaines vertus :

  • d’une part, cela élimine la complexité qui s’amoncelle nécessairement au fil des jours et des semaines, et qui paralyse les organisations dans leurs prises de décisions et leur priorisation.
  • d’autre part, à l’échelle de la journée, une grande partie du travail devient automatisable.

Le grand mot est lancé : automatisation. Une transformation digitale produit nécessairement un bond en avant dans l’automatisation des modes de travail, de quelque nature qu’ils soient.

Ces nouveaux automatismes ne sont pas nécessairement des nouveaux algorithmes logiciels, ce sont aussi des routines de travail qui sont pratiquées – et donc incarnées– par ceux qui font vivre la transformation quotidienne de l’entreprise.

Cette manière de travailler avec des routines et des automatismes quotidiens demande de la rigueur car, même si ces démarches ont lieu dans le cadre des méthodes Agiles ou Lean,  travailler en mode Agile demande au moins autant de rigueur que les méthodes de projet séquentielles traditionnelles.

Si les modes de travail en projets classiques promettent le grand soir, au quotidien ils ne génèrent que de la frustration et de la démotivation. Les démarches agiles, elles, ne font plus de grandes promesses mais génèrent une sensation du travail accompli et de progression qui procure une plus grande motivation au quotidien.

De fait, il y a donc une banalisation du projet dans le contexte d’une transformation digitale. Et cela n’est pas sans poser de profondes modifications dans la psychologie des organisations. Le projet était valorisant, c’était quelque chose d’exceptionnel, et pouvoir dire “je suis chef de projet”  comptait beaucoup pour certaines personnes, encore plus si le projet en question est un “gros” projet (parce que stratégique ou parce que nécessitant de gros budget).

La vie et la mort des projets ont introduit dans nos entreprises des rituels et des cultes dont nous avons du mal à nous départir. Tout le monde ne veut plus des dérives des projets que nous connaissons, mais en même temps tout le monde veut faire partie d’un projet ; « projet » fait toujours référence à la conquête spatiale et la découverte de nouveaux horizons.

La réponse de l’Agile et surtout du Lean, avec la banalisation des enjeux, la disparition de grands évènements, l’accent mis sur les pratiques quotidiennes balisées et une plus grande automatisation du travail ne fait pas spontanément rêver. Il n’empêche qu’elle est source de performance et de motivation indéniable, c’est pourquoi qu’une démarche de transformation agile passe par cette refonte de la calendarité du travail.

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