La comptabilité frauduleuse et la taxe carbone

A l’occasion de la disparition de Edward Goldsmith le 21 août, l’émission Terre à Terre proposait ce samedi 5 Septembre 2009 une rediffusion d’un entretien qu’il avait accordé à Ruth Stégassy en 2001. Goldsmith est une des figures militante de l’écologie, il est notamment le fondateur du magazine The Ecologist (1969). Bien que ses positions anti-progressistes et anti-scientistes ne soient pas ma tasse de thé, il a pourtant utilisé, lors de l’entretien, une expression qui me semble tout à fait juste :

 » l’économie politique contemporaine fourni un système de comptabilité qui est frauduleux parce qu’il ne tient compte que d’une fraction des vrais coûts des activités. Il ne tient pas compte des coûts les plus importants. »

Cette expression me semble très juste et elle fait écho à ce que j’ai écris dans Pour en finir avec la mécroissance, reprenant les propos de René Passet qui, parlant du bilan comptable des entreprises, précisait que les ressources naturelles y sont considérées comme gratuites [et infinies]. En effet, lorsqu’on regarde une entreprise du point de vue des inputs, des entrées de son système de production, on s’aperçoit que la matière première et les ressources naturelles, ce qui est «fourni» par la nature, n’a pas de coût. Et s’il y en a un, c’est parce qu’il y a un coût d’extraction, de transport ou de conditionnement qui lui est rattaché :

«Un prélèvement sur la nature pourrait être considéré comme une consommation gratuite d’un service rendu par «une agence de la nature» fictive, chargée de la gestion des ressources naturelles»[1. A. Rieu «Comptabilité nationale et bien-être», cité par René Passet, L’économique et le vivant, ed. Payot, 1979, p.72]

On parle beaucoup en ce moment de la Taxe Carbone : l’objectif est de rendre moins acceptable le prix des produits dont la production a des externalités négatives sur l’environnement. On a donc là un ré-équilibrage qui, a priori,  rend moins frauduleux le système de comptabilité si tant est que l’on a bien non seulement une taxe pigouvienne, c’est à dire qui intègre des externalités négatives au marché, mais également une taxe qui intègre des extrernalités positives : les budgets récupérés par la taxe doivent donc reconnaître et favoriser des externalités positives.

Or, sur ce deuxième volet c’est le flou le plus total : comment le gouvernement peut-il garantir l’utilisation des budgets de la taxe à des externalités positives d’une part et, d’autre part, quelles seront ces externalités ? Chacun sent bien que le gouvernement va nous refaire le « coût » de la journée de solidarité qui a fini en impôt indifférencié dans les caisses de l’état.

En terme de communication, les gouvernements sont de moins en moins à l’aise pour « augmenter les impôts ». Aussi l’évolution de la fiscalité se déplace sur des taxes ou des impôts qui sont « marketés » : ils doivent apparaître comme justes ou nécessaires afin d’être plus facilement acceptés par une population qui non seulement est déjà asphyxiée, mais en plus à qui on annonce en même temps que, malgré toutes les retenues, l’état est a un déficit budgétaire sans précédent.

Il n’y aurait en effet rien de plus déplorable qu’une taxe carbone qui ne serait qu’un plan de communication pour faire accepter une nouvelle taxe afin de renflouer les caisses, tout comme le sont devenues les taxes sur le tabac et l’alcool comme je l’évoquais dans la note sur la misère des politiques économiques.

Face à cette situation, il ne semble pas acceptable de dire « Oui à la taxe carbone » avec l’UMP et les Verts, ou « Non » avec le PS, tant que la question des externalités positives reste en friche. En rester là serait reconnaître que la seule externalité positive que sache reconnaître un parti politique c’est l’évolution du nombre de voix électorales, auquel cas la crise de représentativité des politiques n’en deviendrait que plus aigüe.

Ce débat est une des prémices pour une réforme globale de la fiscalité dont le succès est conditionné par le travail autour des externalités positives qui introduit le passage à une économie de la contribution.

Notes :

Il vaut mieux une taxe carbone que rien … il faut commencer par des choses simples.

[Reply]

Savoir à quoi va servir la taxe carbone me semble effectivement indispensable.

[Reply]

Certains pays ont cree une « taxe » CO2 qui n’est pas un impot, mais dont l’argent recolte est finalement restitue de maniere plus ou moins « egale » et « solidaire ».

Un exemple: http://www.bafu.admin.ch/co2-abgabe/index.html?lang=fr

[Reply]

La taxe sans la moindre idée de son usage n’a aucun sens, c’est de la politique méthode coué, l’unique point positif possible pourrait être une baisse des émissions de carbone, mais on sait bien que la plupart des gens pensent n’avoir aucune possibilité d’être moins polluant sur ce point, et souvent la société est organisée pour leur imposer d’être carbogènes. Bref, ça ressemble juste à un impôt déguisé.

[Reply]

 

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