A votre santé !

Chacun sait que les grands acteurs de l’industrie du logiciel (Microsoft avec HealthVault) et du web (Google avec Google Health) commencent à proposer leur plate-forme web autour de la santé.

Il y a donc un marché de la santé en ligne qui se présente dans la droite ligne des services Web 2.0. A la différence que ces services basés sur le mode User Generated Content reposeront désormais plus sur un contenu qui ressemble à du pain (souffrance) qu’à du plaisir (ce que j’aime).

Bien que cette alchimie entre le Business, le Web et la Santé soit la manifestation d’une seule chose : celle de l’éloignement du patient (malade) et du praticien (médecin), je propose de présenter quatre facteurs structurels qui en permettent l’émergence :

1. Tout d’abord, le temps du patient n’est pas le temps du médecin. Par exemple, un de mes proches a appris cet été qu’il avait un cancer. On lui a donc dit :

« Vous avez un cancer, revenez nous voir dans 15 jours ».

Quinze jours ! Mais comment peut-on vivre pendant ces 15 jours sans se poser des milliers de questions : Vais-je m’en sortir ? Quelles sont mes chances de survie ? Quelles sont les thérapies ? Ou en est la recherche médicale ? Qui a déjà vécu çà ? etc.
Par où l’on voit que le traitement de la maladie (auquel s’intéresse en premier le praticien), ne recouvre pas exactement le traitement d’un malade.
C’est dans cette différence que peuvent s’immiscer des services en lignes pour accompagner le malade dans la compréhension du traitement de sa maladie : à savoir participer à une plate-forme pour avoir rapidement accès à une communauté d’intérêt ciblée et des sources d’informations structurées.

2. D’autre part, la décision médicale ne peut plus relever uniquement de la science ou de l’art du médecin. Le patient veut aujourd’hui comprendre pour pouvoir participer à la décision qui le concerne. Et dans cet l’acte de décision, le patient prend en compte sa souffrance.
Dans les prémices du système de santé, la souffrance et la détresse du patient n’avaient plus de lieu d’expression, d’échange ou de discussion. C’est ce mécanisme qui a favorisé la création d’association de patients pour lesquelles les acteurs de santé ont dû, petit à petit, se résigner à les introduire parmi les acteurs du système de santé.
Ici, comme dans l’éducation, la tendance est de placer le patient au centre de ce système, tout comme on parle de l’élève au centre du système éducatif.

3. Ensuite, la société souhaite bien évidemment contrôler ses dépenses de santé en limitant le coût induit par les consultations. Après la maîtrise du coût pharmaceutique et les efforts de promotion des médicaments génériques, c’est l’acte de consultation du praticien qui doit être à présent maîtrisé.

4. Enfin, il est une spécificité de la médecine telle qu’elle est conçue dans le monde occidental qui rend également possible l’apparition de ces plates-formes web centrées sur la santé. En effet, l’explosion des connaissances et des savoirs dans les sciences biologiques tend à nous faire apparaître le médecin comme un simple agent qui ne fait qu’appliquer la décision des sciences biologiques.
Chacun a très certainement pu faire cette expérience où le médecin vous dit :

« Allez faire une analyse au laboratoire », pour ensuite vous lire le diagnostic qui est écrit sur le courrier émis par le laboratoire.

Dans cet exemple, le diagnostic médical s’est effectué sans toucher le corps. La voie est donc ouverte non seulement à des pratiques numériques et non corporelle du diagnostic médical mais de plus sans la médiation du médecin. Les progrès de la science biologique permettant la désintermédiation dans le diagnostic médical : le praticien ne pratique plus.

On comprend bien vite que la pente est glissante, et ce pour au moins deux raisons :

1. Au travers de ces démarches, le patient devient un consommateur : c’est d’ailleurs le terme qu’utilise sciemment l’ancienne tête pensante du futur Google Health lorsqu’il écrit que Google Health a :

 » de forte potentialités pour changer la manière dont les consommateurs gèrent leur santé ».

Faire du patient un consommateur au centre d’un système de santé est également une forme de déresponsabilisation du système de santé, car il peut être illusoire d’amener le malade à avoir un comportement de consommateur pour participer à des décisions qu’il ne comprend finalement pas.

2. Je pense que les initiatives d’acteurs commerciaux comme Google et Microsoft sont une bonne chose, mais qu’il serait souhaitable que les données et les informations agrégées par ces acteurs et sur ce domaine soit juridiquement disponible pour les gouvernements qui veulent conduire des politiques de santé spécifiques (la politique américaine en la matière n’est pas la politique française, comme le matraque Michael Moore dans son Sicko).
En d’autres termes, ces données risquent de ne servir que comme instrument de promotion des laboratoires pharmaceutiques.


Proposer ces données sous forme de RDF Store (anonymisées bien sûr ) utilisables par les acteurs de la politique de santé et le corps médical lui-même serait une formidable avancée.

Ces offres SaaS autour de la santé veulent gagner la constitution d’un graphe médical, ce qui est une bonne chose en soi. Mais si ce graphe ne sert qu’a des fins de marketing pharmaceutique et non à des fins de politique publique de santé, le bien commun ne sera plus recherché. Les cycles longs d’investissements des politiques publiques de santé seront systématiquement court-circuités au détriment d’investissements à très court terme ayant une capacité nocive et toxique très forte.

[ps. Il y a eu une très bonne émission des « Vendredis de la philosophie »,début 2006 en relation avec la décision médicale, que j’essayerai de mettre en ligne.]

[…] Tout cela fait un peu mise en scène pour une publicité de dentifrice mais bon, cela indique clairement que cette encyclopédie, Google l’imagine certainement comme très complémentaire à son initiative de site collaboratif sur la santé, j’ai nommé Google Health. Et quand on voit que le premier forum français en trafic et nombre de message est, et de loin, Doctissimo, on comprend les appétits des acteurs web sur ce sujet. […]

 

Répondre à Christian Fauré » Blog Archive » Knol : le jour où Google tua Wikipedia Annuler la réponse

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