Quoi de neuf dans l’entreprise ?

L’entreprise n’est pas, pour Stiegler, l’entité par laquelle une réponse à la misère symbolique peut être apportée. Essentiellement parce qu’elle cherche à obtenir des retours sur investissement le plus rapidement possible. Seul l’Etat et des organisations supranationales peuvent investir sur le long terme.

Mais il faut bien voir que la misère symbolique est aussi présente au sein même de l’entreprise. Quels sont les mécanismes en place dans l’entreprise ?

  • Il y a une prolétarisation de l’immense majorité des employés. Elle est majoritairement portée par les technologies de l’information et de la communication. Il y a une dépossession des savoir-faire des employés. D’abord les savoir-faire remplacés par la machine, puis ceux par l’informatisation des entreprises.
  • Il y a une tertiairisation des activités. Et celle-ci amène avec elle une déresponsabilisation qui vise à diluer le processus de prise de décision. La décision elle-même est devenu un processus.
  • Les processus impliquent des procédures et ces procédures impliquent des règles de comportement. Or, il n’y a plus de pratiques possibles parce qu’il n’y a plus d’espace libre constitué par l’absence de procédures.
  • L’encerclement est rendu opératoire par une autre système, celui du système d’information. Tout les savoir-faire reposant sur une procédure peuvent être pris en charge par le système d’information, et ce tant qu’une décision humaine n’est pas nécessaire.
  • Là où le processus rencontre le système d’information, il y a risque de perte d’individuation des employés.

Mais que risque l’entreprise ? Tout simplement le manque de motivation et l’absence de participation des salariés.

Il y a une automatisation, une autonomie, en terme simondien une individuation, des systèmes d’information. C’est la raison pour laquelle des entreprises se constituent à présent sur la base même du système d’information. Avant, il y avait l’entreprise puis l’informatisation de l’entreprise ; aujourd’hui il peut y avoir le système d’information puis l’entreprise qui se créée sur la base de ce système. Ce que l’entreprise propose, c’est l’utilisation de son système d’information. Dans un premier temps, ces services étaient gratuits, et certains le sont resté comme Google, trouvant leur ressources financières dans les annonceurs et le marketing.

La tendance est claire : l’utilisation des systèmes d’information a vocation à ne pas être un service payant pour les particuliers et les consommateurs, pour peu que vous y donniez des informations, que vous en fassiez un support privilégié de vos activités. Les consommateurs deviennent des « knowledge workers » non rémunérés des sociétés internet telles eBay, Amazon ou Google.

Mais au sein des entreprises, comment vivent les employés ? Il changent de poste tout les trois ou quatre ans, ces changements prouvent l’interchangeabilité de certaines fonctions. Les salariés quittent l’entreprise, ils cessent toute participation. Il ne s’y investissent plus par ce qu’ils ne peuvent plus s’y réaliser.
Il s’instaure une fracture et une prolétarisation croissante des classes hiérarchiques moyennes de l’entreprise, celle-ci se manifeste par la diminution des niveaux hiérarchique. Deux profils émergent : ceux qui sont prolétarisés et qui représentent la quasi-totalité des personnes, et une classe de haut dirigeants. Un peu à l’image de ce qui se ressent dans le secteur automobile : le marché tend à se déchirer entre les voitures très bas de gamme et peu chères, et à l’extrême un petit marché pour des voitures très haut de gamme.
Les entreprises actuelles balayent progressivement la composante hiérarchique pour y substituer un réseau dont l’épine dorsale est le système d’information. Face à ce constat, comment anticiper, et comment le désir peut-il renaître, et avec lui la participation ?

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