Sur le paradigme indiciaire de Ginzburg (2)

Voici la suite de la note sur les racines du paradigme indiciaire de Ginzburg (1).

Avec Platon, les arts de la conjecture – qui permettent de remonter des effets aux causes en naviguant le long du fleuve du plausible –  furent écrasés par ce désir fou pour une connaissance apodictique (qui présente un caractère d’universalité et de nécessité absolue : une proposition apodictique est nécessairement vraie, où que vous soyez) dont la géométrie est l’emblème. L’induction et l’inférence sont suspectes, elles apparaissent comme hors de la rationalité qui doit procéder par déduction et maîtriser l’enchaînement en cascade des raisonnements vrais.

 

Pour Ginzburg, il est clair que la science Galiléenne du XVII° siècle, avec son paradigme scientifique est en rupture avec ce qu’il appelle les disciplines indiciaires (médecine comprise) :

“Il s’agit de disciplines  éminemment qualitatives, qui ont pour objets des cas, des situations et des documents individuels, en tant qu’individuels, et c’est précisément pour ce motif qu’elles atteignenent des résultats qui conservent une marge aléatoire irréductible.” p. 250

« De ce qui est individuel on ne peut pas parler (individum est inefabile) », dit la devise scolastique : voilà les disciplines indiciaires marquée de leur défaut de scientificité (cf. Le caractère “probable” des sciences historiques selon M. Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, 1967, pp/ 52-67). more »

Sur le paradigme indiciaire de Ginzburg (1)

L’année dernière, je présentais les résultats d’un travail sur la figure du dieu grec Hermès.

Le sujet était si riche qu’il avait fallu que je fasse des choix. Je me souviens notamment d’avoir choisi de ne pas développer un des aspects pourtant ô combien important : il s’agit de la question des traces comme indices.

Or c’est un sujet qui a été génialement traité par Carlo Ginzburg dans son article : “Traces. Racines d’un paradigme indiciaire” et, si je l’avais évoqué, je n’aurais pas eu le temps de rentrer dans les détails.

Dans les détails, je vais à présent y rentrer, et pour deux raisons :

  1. d’abord parce qu’il y a toujours des personnes qui ne connaissent pas cet article ;

  2. ensuite parce que je souhaite faire le lien entre les hypothèses de Ginzburg et un autre thème qui me semble déterminant et sur lequel j’aurai l’occasion de revenir l’été prochain, toujours dans le cadre de l’académie d’été de l’école de philosophie d’Épineuil le Fleuriel. more »

21 Mar 2013, 12:07
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L’hypercriticité numérique de la France

equilibre

La France a de grandes opportunités dans le numérique : la couverture haut débit via le dynamisme et la maturité des acteurs Telecom, la puissance de calcul et les compétences en génie logiciel, une population qui utilise intensivement les technologies relationnelles, mais il lui manque pourtant cette pièce maîtresse dans sa configuration industrielle : l’infrastructure industrielle du numérique, le stockage des données, c’est à dire les datacenters, ces usines de l’économie numérique.

Le climat tempéré couplé au prix de son énergie, qui sont deux facteurs de choix dans l’implémentation de datacenters, n’y font rien. La fiscalité pousse les industriel du digital à aller vers d’autres territoires européens.

Ce qui fait que la France est dans une situation hyper-critique, c’est qu’elle a toutes les cartes en main, sauf une. Du coup, les infrastructures sur lesquelles elle a investi (les infrastructures de transport du numérique) servent à délocaliser encore plus rapidement les données qu’elle produit (aspirées par les infrastructures de transfert du numérique). C’est ce qui explique le caractère éminemment critique de notre situation nationale et européenne : la France exporte ses données aux US, elle alimente en data les industries américaines du numérique. A l’image de la balance commerciale, la balance des data est extrêmement et dangereusement déficitaire.

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Pourquoi l’économie numérique est-elle en dehors des radars des politiques économiques ?

Le numérique : programmes, réseau et données.

Il apparaît aujourd’hui évident que les enjeux du numérique s’articulent autour des données. Si l’on parle d’ingénierie numérique, il faut donc dire qu’il s’agit du Stockage, du Traitement et du Transfert des données (data). Dans les « Computer Sciences », ce focus sur les data dans les questions d’architecture logicielle a été pris très au sérieux dans la thèse de Roy Fielding en 2000 :

“As noted above, the presence of data elements is the most significant distinction between the model of software architecture defined by Perry and Wolf and the model used by much of the research labelled software architecture . Boasson criticizes current software architecture research for its emphasis on component structures and architecture development tools, suggesting that more focus should be placed on data-centric architectural modeling. Similar comments are made by Jackson.”

Si la bascule s’est faite dans le domaine de l’ingénierie à la fin des années 90, puis dans le domaine industriel dans les années 2000, elle reste à faire dans le domaine des politiques économiques.

Une économie industrielle en dehors des radars de la puissance publique.

lunettes

Les questions numériques sont donc indexées sur celles des données numériques, or celles-ci, en raison de leur granularité et de leur mobilité portée par des industries du transfert (il y a des flux de données numérique en économie comme il y a des courants sous-marins intercontinentaux dans le domaine environnemental), et bien qu’elles redéfinissent notre milieu et notre environnement, sont paradoxalement en dehors des radars de la puissance publique, et pas seulement en France. more »

7 Mar 2013, 11:30
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L’avènement des APIs

Une courte interview et discussion sur les APIs  à laquelle j’ai participé avec Aurélien Fache (@mathemagie), de faberNovel.


SMCTalks – L’avènement des API [S2E3] par SMCTalks