Les Désarçonnés, de Pascal Quignard

Les désarçonnés sont ceux qui, a un moment donné, ont chuté, puis se sont relevés différents :

“Pour Lancelot, pour Abélard, pour Paul, pour Pétrarque, pour Montaigne, pour Brantôme, pour d’Aubigné etc. ils tombèrent de cheval, ils eurent le sentiment d’avoir glissé dans la mort – mais soudain ils se sentent revenir de l’autre monde”.

Situation renversante.

La chute de cheval, en tant que situation renversante, est une seconde naissance : “ils se mettent à écrire parce qu’il leur semble revenir du monde des morts”.

Naître et renaître.

En un certain sens tout le travail de Quignard s’articule autour du passage, à commencer par le passage du premier royaume (l’intra-utérin) au dernier royaume. À partir de là, Quignard, armé d’une érudition revendiquée, traque d’autres passages :

  • les passages anthropologiques ;
  • Les passages du rêve à la réalité ;
  • Les passages entre l’inconscient et la conscience ;
  • Les passages qui conduisent à l’illumination ou à la révélation (Saint Paul) ;
  • Les passages à vide de la dépression ;
  • Les passages à l’acte du viol et de la guerre.
  • etc.

Les désarçonnés est une oeuvre apolitique (le vivre-ensemble est une farce sordide qui nous précipite dans le dernier royaume). Quignard traque, tel un vautour, la figure de celui qui se retire pour renaître :

“Stupéfiante tradition centrifuge dès l’aube à l’extérieur des sociétés humaines au fur et à mesure qu’elles se constituent. Chamanes de la Sibérie et du Japon ancien, errants taoïstes, gymnosophistes de l’Inde, ermites de Memphis, ascètes d’Héliopolis, thérapeutes d’Alexandrie, anachorètes romains, moines chrétiens, enfin lettrés partout où les langues se dédoublèrent dans l’écrit.”

Il faut une situation renversante pour que l’on puisse tomber dans l’écriture en se retirant du negotium pour se frayer un chemin dans l’otium..

“Les lettrés, parce que ce mot désigne les hommes qui décomposent toutes les choses lettre à lettre et toutes les relations fragment par fragment, sont les hommes qui rompent la voie.”

Je l’ai lu sous format numérique, un régal. Dommage que ce soit le seul texte de Quignard disponible dans ce format.

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