22 Nov 2007, 1:17
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Un plombier pour le Web ?

Voilà que les tuyaux du web commenceraient à donner quelques signes de faiblesses si l’on en croit cet article de R/W Web qui cite une étude pronostiquant une dégradation de la qualité et du débit de nos connexions dès 2010.

Le web a donc selon toute apparence un besoin de plombier.


Les coupables de cette situation sont tous les usages « déviants » du web que sont le web 2.0, la consommation de video en download et en upload, la montée en puissance du SaaS où les données sont sur le web et non plus dans les ordinateurs, etc. Bref tout ce qui n’était pas prévu pour ceux qui imaginaient un web uniquement en consultation et en lecture. En tout cas certainement pas un web participatif, ni un web de données.

Or, ici comme ailleurs il faut se demander « qui parle? ». L’étude en question a été financée par l’Internet Innovation Alliance dont on peut voir que les principaux membres sont des opérateurs télécom (Alcatel, Lucent, AT&T, Nortel, etc.). C’est à dire ceux-là même qui possèdent les tuyaux de communications et dont on attend d’eux qu’ils investissent pour mettre à niveau le débit et la taille des tuyaux. On attend cela d’eux car qu’il faut rappeler que le marché des télécommunications est un marché très régulé.

Or, ce que ne digèrent pas les opérateurs télécom c’est que leurs investissements profitent à d’autres, notamment les google, Yahoo, eBay, gros consommateurs de bande passante sans que ceux-ci ne mettent la main à la poche.
La polémique n’est pas nouvelle, voici un petit florilège de réactions :

  • En 2006, c’est l’opérateur allemand Deutsche Telekom qui était monté au créneau. Son PDG, Kai-Uwe Ricke déclarait que :

« les fournisseurs d’accès ne peuvent continuer à investir dans les infrastructures pour que d’autres en profitent ».

  • Idem pour le PDG d’AT&T, Ed Whitacre:

« Ce qu’ils veulent, c’est utiliser gratuitement mon réseau, mais je ne les laisserai pas faire parce que nous avons investi un capital et nous devons aussi en tirer les bénéfices. »

  • Ou encore Bennett Ross de BellSouth :

« On ne pourra pas financer la prochaine génération de réseau haut-débit uniquement grâce aux abonnements. Il nous faut d’autres sources de revenus ».

  • Tout récemment c’est notre Didier Lombard national, PDG de France Telecom, qui le 15 novembre dernier à l’Idate déclarait :

« Aucune des sociétés nouvelles de l’internet telles que Yahoo!, Google ou eBay n’a contribuée significativement au financement des infrastructures. »

Bref, vous l’aurez compris, les opérateurs telecom ne veulent pas financer des infrastructures pour que d’autres en profitent, d’où la menace voilée de l’étude sur la dégradation du web dès 2010 évoqué dans « l’analyse » financée par les grands nom américains des telecom.

Cependant, les déclarations de Didier Lombard apportent une précision d’importance quand il dit :

« tous les acteurs de la chaîne de valeur entrent désormais en compétition sur des modèles économiques basés plus ou moins partiellement sur l’audience […] Or, le modèle basé sur l’audience crée le risque d’une décorrélation entre là où les investissements sont faits et là où les revenus générés par ces investissements sont collectés ».

Et didier Lombard rajoute que le gros problème est que :

« les serveurs des services internet sont essentiellement basés aux Etats-Unis », et qu’il ne sera « pas possible à terme d’investir dans des réseaux et des contenus européens si les revenus de l’audience vont aux Etats-Unis »

On pourrait faire quatre remarques à ces déclarations du PDG de France Telecom :

  • Puisque le web a besoin d’électricité pour fonctionner, qu’est ce qui empêche EDF de demander également sa part du gateau dans ce marché de l’audience web ?
  • Google investit dans des data centers et des centrales élecriques pour assurer son infrastructure, et n’a jamais demandé à un opérateur télécom de mettre la main à la poche sous prétexte que ses services web attiraient de nouveaux clients qui s’abonnent et payent leurs factures aux opérateurs telecom.
  • Les FAI et les acteurs telecom sont en concurrence avec les grands acteurs du web ainsi montrés du doigt : pourquoi un Google financerait-il un concurrent potentiel qui offre un portail de service, des boites aux lettres mail, etc ?
  • Enfin, on a beau jeu de dénoncer le fait que les grands noms du web sont aux US et non en Europe, alors que l’europe n’a toujours pas été capable de se doter d’une politique industrielle digne de ce nom au niveau des technologies de l’information (c’était pourtant bien parti en france avec le rapport Minc / Nora de 1977 sur l’informatisation de la société )

On doit pourtant reconnaître le mérite à Didier Lombard d’avoir mis le doigt sur le point le plus essentiel qui est « l’économie de l’audience et de l’attention« . Cette analyse est autrement plus intéressante que le sempiternel « ils font du business sur mon dos ! « .

Car le vrai point d’inflexion est là, les acteurs du web ne font pas le même business que les acteurs telecom : C’est quoi le business d’un opérateur télécom ?

C’est enclencher le compteur quand nous utilisez son service et le fermer quand vous ne l’utilisez plus. La nature de votre pratique et de votre activité n’infère pas directement sur son chiffre d’affaire. En langage courant c’est faire du billing ou de la facturation du temps et de la quantité de consommation (pareil qu’EDF qui reléve les compteurs).

Ne nous y trompons pas, c’est le vieux débat sur la neuralité du net, déclenché en 2005, qui refait surface avec de nouveaux arguments. En l’occurrence il s’agit maintenant pour les opérateurs telco de dire qu’eux aussi font partie de l’économie de l’attention et, si on leur en refuse le droit d’entrée (soit par une taxe soit par la participation aux investissements d’infrastructure), ils menacent de laisser les tuyaux en l’état.

Dormez tranquille, la qualité du réseau va aller en s’améliorant puisqu’au final c’est vous qui paierez l’addition. La question est de savoir à qui et comment ?

L’affaire ne fait que se poursuivre et s’amplifier.

A suivre, donc.

[…] tôt (voir Un plombier pour le web), les opérateurs télécom ont souligné le paradoxe de cette situation : on leur demande […]

 

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