27 Sep 2014, 1:19
Défaut
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Mieux vivre ses échecs et ses succès

honte

Si un jour vous avez un succès notable dans une de vos activités, vous aurez sûrement  remarqué que le (ou les) jour(s) suivant(s) votre comportement change. Mais il se peut que vous n’arriviez pas vraiment à le remarquer avant qu’une première journée ne se passe.

C’est un sentiment d’excès de confiance en soi qui met un sérieux filtre dans vos interactions, y compris dans la manière dont “on interagit avec soi-même”, si l’on me permet l’expression.

Dans cet “après coup” du succès, on est comme décalé de soi-même, mais on ne s’en rend pas compte tout suite ; on ne peut prendre conscience de cette distance avec soi-même qu’a posteriori. Il faut s’être comporté de telle ou telle manière pour que, seulement plus tard, on se fasse la remarque :

“ c’est étrange, je ne me reconnais pas dans ce comportement”.

La situation inverse – celle de l’échec – a la même forme : on baigne dans un sentiment de manque de confiance, on doute beaucoup plus et notre comportement change également.

*

Contrairement à ce que l’on croit, on n’apprend pas grand chose de ses succès ou de ses échecs si on n’est pas un tant soit peu attentif à ce qu’ils ont fait de nous,“à l’insu de notre plein gré” comme dirait l’autre.

Il y a une forme de honte de soi-même, lorsqu’on réalise que l’on n’a pas été soi-même sans s’en rendre compte ; cette sensation peut avoir une intensité très large, allant du petit picotement jusqu’au dégoût de soi.

La honte est le sentiment qui est à la source de toute éthique.

Il ne faut pas comprendre cette “honte” dans une connotation religieuse. L’autre mot le plus proche, et beaucoup plus neutre émotionnellement, serait le mot “trouble”.

Or, il y a trouble parce que l’on n’apprend bien souvent qu’à ses dépends. Apprendre c’est être troublé.

Il y a un apprentissage de l’éthique qui passe nécessairement par ce trouble qu’est la honte de soi. Cultiver ce trouble, c’est conserver cette capacité d’avoir honte de soi ; c’est ce qui permet de mieux vivre ses succès, comme ses échecs, en devant capable de les choisir.

*

Un échec non choisi et c’est la fatalité qui s’impose à l’esprit sous forme de sentiment d’injustice ou de « manque de chance » : on rumine, on maudit, on s’insurge ou on s’effondre, au choix.

Un succès non choisi et c’est l’euphorie de celui qui a gagné au loto : or un succès qui arrive sans effort est très vite artificiel et l’on sait que le rêve peut tourner au cauchemar pour certains gagnants des jeux de hasard.

Choisir ses succès et ses échecs, cela ne veut pas dire maîtriser totalement le destin jusqu’à pouvoir ne choisir d’avoir que des succès. C’est un trait du vivant que nous sommes, et cela n’est pas sans rapport avec mot de Georges Canguilhem pour qui “ être sain” signifie  être capable de s’adapter de manière active en choisissant parfois de se rendre malade.

Il faut aussi accepter de choisir ses échecs.

29 Sep 2014, 8:33
by Sarro Philippe

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Jean Michel Besnier dans « L’homme simplifié » à propos du transhumanisme parle de « honte promethéeenne de soi » qu’il reprend à Gunther Anders.

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Intéressant… même si lu trop vite, j’ai le sentiment que votre réflexion est sentie et non une analyse froide ou calculée… à relire donc. Cordialement.

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Est-ce Lichtenberg ? Ou alors Joseph Joubert ? Non, c’est bien Fauré !
Bonne journée à toi 😉

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5 Oct 2014, 9:33
by etienne.r

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J’apprécie beaucoup votre blog, découvert récemment. Je n’avais pas saisi le mécanisme que vous décrivez mais j’ai appris à reconnaitre et à me méfier, de ce sentiment de succès, souvent annonciateur de déconvenues.
Merci pour ce support de mémoire.

etienne

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Certains indiquent si l’on ne se planque pas, la « vie » nous amène tôt ou tard des situations pour nous faire avancer, quelques fois à notre dépend. Donc, pas sûr que l’on puisse toujours choisir ses échecs.

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