Changement de paradigme

Changement de paradigme : le mode d’existence propre de l’objet technique conditionne son industrialisation, et non le contraire.

Prenons l’exemple de l’industrie automobile. L’automobile, en tant qu’objet technique, ne doit pas être autodestructif, c’est-à-dire qu’il doit se maintenir en fonctionnement stable le plus longtemps possible. Les progrès technologiques les plus importants se font quand les conditions techniques l’emportent sur les conditions économiques (aviation, matériel de guerre, compétition automobile, spatial). Mais les causes économiques, et donc extrinsèques à la nature de l’objet technique, complexifient sa conception et sa fabrication.
Chacun pensera à l’invasion électronique dans le monde automobile. Cette informatisation effrénée de l’automobile a deux conséquences principales : une diminution de la durée du fonctionnement stable de l’automobile en tant qu’objet technique d’une part, et d’autre part un risque de complexification de l’usage du véhicule.
Mercedes, comme d’autres, suite à des défauts d’origine électronique, est en train de perdre son image de constructeur de qualité en ne gardant que son image de luxe. BMW, très engagé dans l’innovation électronique et les systèmes, a provoqué le mécontentement de ses clients avec son système de navigation au niveau du tableau de bord. Aujourd’hui la tendance chez le constructeur bavarois étant de supprimer toutes les fonctionnalités électroniques et informatiques qui n’apportent rien si ce n’est de la complexité. A l’autre bout du monde, Toyota est le constructeur qui n’a pas fait le choix de l’électronisation effrénée de ses véhicules. En ce sens, Toyota est le constructeur qui reste le plus en adéquation avec l’essence intrinsèque de l’objet technique qu’il produit. C’est bien pour cela qu’il peut travailler différemment avec ses équipementiers, et non parce qu’il est japonais.
En matière d’organisation du travail, au sein même de l’industrie automobile, nous sommes à la croisée des chemins précisément parce que chacun doit faire un choix et se positionner par rapport au mode d’existence intrinsèque de l’objet technique. Pour un équipementier, la question se pose de savoir s’il doit vendre un composant, un système ou un module. De la réponse qui en sera faite va dépendre non seulement ses modes de conception, ses expertises, son organisation industrielle mais aussi ses clients constructeurs, puisque tous n’ont pas la même politique industrielle. Le choix n’est pas sans conséquences car il est structurant : si tout le monde – équipementiers et constructeurs – ne fait pas les mêmes choix, tout le monde ne pourra plus travailler avec tout le monde. Pour avoir un aperçu de ce que cela peut impliquer pour le secteur automobile il n’y a qu’à voir les batailles pour la standardisation des normes et des interfaces dans les secteurs de l’électronique grand public et dans l’informatique.
En quel sens la question du mode propre de l’existence de l’objet technique ainsi que les enjeux que nous avons évoqués relèvent-ils d’une démarche de management des connaissances ?
Depuis maintenant dix ans, je fonde ma démarche sur une attention particulière à l’organisation du travail. Ce principe m’a amené au cœur même des expertises métier de mes clients et donc de la nature de leur objet de production. C’est également ce qui m’a permis de constater que le management dépense souvent beaucoup d’énergie pour ne traiter que les effets et rarement les causes : on parle de conduite du changement, de culture d’entreprise, de psychologie, de système d’information, de business model, de supply chain, etc.… Mais du produit vendu de moins en moins. L’objet technique n’est pas considéré en tant que tel.

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