La prolétarisation dans les sociétés informatiques

Par prolétarisation, j’entends le processus qui conduit à la perte de connaissance critique et de savoir-faire. Bernard Stiegler a clairement expliqué ce processus en rappelant qu’un prolétaire n’était pas nécessairement un pauvre (Alan Greenspan est un prolétaire qui a été le patron de la réserve fédérale américaine pendant vingt ans). Prolétarisation ne veut pas dire la même chose que paupérisation, même si l’un entraîne souvent l’autre.

Au début de la phase d’industrialisation, le prolétaire est celui qui a vu son savoir-faire passer dans la machine. En conséquence de quoi on ne l’a plus payé pour son savoir faire mais pour sa simple force de travail qui ne le distinguait dès lors plus d’un autre travailleur, et donc pouvait être mis en concurrence permanente.

C’est quelque chose que l’on peut constater : dans tout marché, dans la mesure où il s’industrialise, il y a une prolétarisation non seulement des utilisateurs et des consommateurs mais également de ceux qui font partie de la chaîne de conception et d’ingénierie. Aujourd’hui un garagiste ne répare plus les voitures : il branche une machine à diagnostic et vous indique le module à changer si son appareillage ne peut faire la réparation en réinitialisant le module incriminé.

Le marché de l’informatique et des technologies de l’information (Editeurs, DSI, SSII, Intégrateurs) n’échappe pas à cette tendance. ll est étonnant de voir que les ingénieurs qui ont participé à la conception des machines, puis des ordinateurs et enfin des logiciels sont eux aussi dans une phase active de prolétarisation. Ils participent à la mise en place d’un système technique qui prolétarise les utilisateurs de ces dispositifs, avant de les prolétariser eux mêmes en retour.

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Confronté à la baisse tendancielle du taux de profit, une entreprise du secteur de l’informatique est condamné à étendre son marché : soit en augmentant le nombre de clients, soit en vendant plus (ou plus cher) chez chaque client.

C’est dans ce contexte que le marketing intervient pour optimiser le positionnement de l’entreprise sur un marché concurrentiel. Et, comme tout marché, le marché de l’informatique est façonné par le marketing. Façonné à un point où l’organisation et les départements des SSII et des intégrateurs est calqué sur le découpage des parts de marché des grands acteurs du logiciel : il y a le département Oracle, SAP, Microsoft, IBM et parfois, au fond du couloir à gauche, une plus petite équipe Open Source.

Si l’on considère le marché de l’informatique de gestion – et notamment celui des grandes entreprises – la prolétarisation est arrivé à un paroxysme. Signe de cette tendance, une spécialisation accrue des compétences qui est due à la complexification des systèmes d’une part, et au morcellement des applications déclinées par chaque vendeur de logiciel d’autre part (le spécialiste Weblogic ne sera pas à l’aise sur Websphere et inversement, pareil pour les bases de données, les EAI, etc.).

Pour chaque typologie de logiciel, la société de services informatique va devoir choisir les éditeurs avec lesquels elle souhaite travailler, car on ne peut maintenir des compétences sur tous les produits.

Situation à laquelle il faut rajouter la multiplicité des langages, où l’on voit chaque développeur plus ou moins limité par le spectre des solutions qui entrent dans le périmètre du langage qu’il maîtrise.

Ce qui se perd – dans le contexte que je viens de survoler rapidement – c’est le savoir-faire et la connaissance critique. Et cela est d’autant plus vrai du point de vue de l’architecte qui doit penser l’articulation entre des composants du système d’information.

Or ne peut pas être architecte (que ce soit de l’architecture réseau, applicative ou même de l’architecture des données) en étant incapable de porter un regard critique. Cela passe nécessairement par la capacité à discuter et à émettre des avis critiques, ce que ne sont pas capables de faire les experts techniques maîtrisant les solution d’un seul éditeur de logiciel.

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je suis particulièrement sensible à cette situation car, n’étant pas un « informaticien expert », je me nourris de l’expérience des autres, des discussions et des échanges que je peux avoir avec les meilleurs d’entre eux (laurent, gautier, aurélien, bruno, yves-marie, etc.). Je suis comme le canari dans une mine de charbon qui prévient le manque d’oxygène : si je n’ai pas de répondant, c’est qu’il y a un affaissement de la capacité critique autour de moi.

La situation serait devenue pourtant bien pire si le web n’était pas là. Car les discussions et les échanges sont décuplées par le réseau qui est un espace participatif car chacun peut prendre la parole.
Mais il y a encore des informaticiens qui n’utilisent pas le web. Chose surprenante car les discussions techniques sur l’informatique sont très présentes sur le web. Je dis « n’utilisent pas le web » en ce sens que si un problème technique est posé, ils restent prisonniers de leur propre expérience, éventuellement de quelques collègues, mais n’ont pas le réflexe de mener des recherches approfondies et une réelle investigation sur le web (j’en avais fait l’exercice à propos des URIs déréférençables ).

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Cela n’étonnera personne si j’affirme que c’est dans le domaine du logiciel libre qu’il y a le plus d’échanges et de discussions, c’est aussi là que les regards critiques s’exercent le plus car le mouvement repose sur une économie de la contribution dans laquelle chacun progresse parce que la communauté progresse. C’est également là que les standards sont les plus implémentés et les plus éprouvés.

Les informaticiens qui participent – ou on été élevé – à l’open source, sont toujours les meilleurs, même lorsqu’il s’agit d’aller mettre leur nez dans des solutions propriétaires : précisément parce qu’ils exercent un regard critique qui leur donne une hauteur que ne peut que difficilement développer quelqu’un qui reste dans les limites d’une solution propriétaire (quand ça va mal sur un projet SAP il n’est pas rare qu’un architecte « open source » arrive en renfort). « Meilleur » ne veut pas ici nécessairement dire  « techniquement plus compétent », cela veut aussi dire plus autonome, plus entreprenant, plus curieux. Bref, plus passionné.

Le mouvement Open Source est un véritable antidote à la prolétarisation de l’informatique. Mais cela ne doit pas être pour autant compris comme étant une invitation a imposer de l’Open Source partout, car le remède administré à trop forte dose deviendrait vite un poison.

Quoi qu’il en soit, « l’ingénieur open source » fait peur au marché et au management des grandes SSII : précisément parce qu’il a un savoir-savoir faire qui peut tout remettre en cause, notamment des choix commerciaux ou une stratégie marketing. C’est un peu celui qui n’est pas facilement « manageable » parce qu’il est singulier. Et si beaucoup de profils « professionnels » de l’informatique se ressemblent, c’est parce que ce sont des « ressources » interchangeables et prolétarisées, qui n’ont pas la singularité des ingénieurs open source.

Or manager et tirer tout le profit de ces passionnés qui participent au développement du métier est un enjeu majeur pour toutes les SSII, qu’elles n’exploitent que très mal. Il est toujours plus facile d’avoir une stratégie d’allégeance inconditionnelle aux pressions du marketing des éditeurs de logiciels que de développer sa propre vision en faisant confiance à ceux qui sont encore capables de porter un regard critique sur les technologies.

C’est parce que l’intelligence technique – qui au sens strict du terme s’appelle le génie – est sacrifiée à une vision exclusivement mercantile et court-termiste du métier que l’on se retrouve avec une population d’informaticiens prolétarisés.

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Il y a un manque chronique d’architectes ou de développeurs de talent dans les grandes SSII, non pas qu’ils n’existent pas, mais ils sont trop peu nombreux en proportion de la masse salariale. je repense à Yves Marie Pondaven qui me parlait de Jean Paul Figer , figure emblématique de Capgemini, qui peut arriver sur un grand projet de plusieurs millions d’euros à la dérive et dire en substance :

« je vous refais tout pour deux fois moins cher et deux fois plus vite, mais on fera comme je dirai ».

Combien sont capable de dire çà à des grands clients ? Combien d’entre-nous sont capables de dire à un client :

« la solution que vous demandez et la façon dont vous voulez qu’elle soit réalisée relève d’une profonde erreur d’appréciation »

Mais, si c’est si dur à dire à un client, c’est parce que la prolétarisation des informaticiens touche aussi celle des entreprises clientes qui sont devenues des consommatrices de solutions packagées par le marketing des éditeurs.  Les départements informatiques, dans leur grande majorité, ont perdu tout sens critique depuis que leur culture technique repose dans le meilleur des cas sur la lecture hebdomadaire de 01 Informatique ses dix dernières années.

Aussi quand vous êtes en face du client qui vous dit, fier de lui et avec l’oeil qui pétille « Je veux de la SOA avec un bon gros serveur d’application qui crache du SOAP avec un ESB et du MDM », que faut-il faire ? On se dit que c’est trop tard, et trop risqué de revenir en arrière ou d’émettre des doutes, et on lui dit « mais bien sûr, je vois que vous êtes un connaisseur, on va vous faire un beau projet « state of the art » … sachant que l’on va droit dans le « state of the art failure ».

Super article qui confirme la vision de Simondon et qui démontre effectivement l’intérêt de la culture technique issue de l’open source notamment.
Cette prolétarisation est aussi marquée par la division entre managers et techniciens qui devient de plus en plus insupportable.
Et on passe très vite au fait qu’en se sachant pas sur quoi travaille un collègue ou je ne comprends pas ce qu’il fait réellement à l’incompréhension totale.
Incompréhension qui ne cesse de prendre de l’ampleur et qui marque le triomphe de l’opinion sur la véritable connaissance.
Incompréhension base de la méfiance et de la société de la surveillance.
Il demeure que la position de Stiegler reste incomprise de beaucoup malheureusement car elle nécessite une re-formation qui va au delà des habituels clivages et dogmatismes.

[Reply]

 » le triomphe de l’opinion sur la véritable connaissance. »

malheureusement, ça résume assez bien la situation !

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Salut Christian,

que penses tu d’une traduction anglaise de ton article ? Serais tu contre ?

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Bonjour Karl, si tu en as le temps et l’envie bien sûr que tu peux. Tu peux même le modifier et l’enrichir si tu le souhaites, tu dois avoir des expériences différentes des miennes.

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[…] pas sur ce ton. Ah, au fait, un excellent article sur la difficulté à dire NON en informatique : http://www.christian-faure.net/2009/…informatiques/ d’où j’extrais cette phrase qui dit exactement la même chose que l’excellent message de Sylvain […]

Je suis arrivé au même constat mais je n’ai toujours pas trouvé la solution miracle pour sortir de cette situation.

Alors que la crise pourrait avoir un effet bénéfique, j’ai peur au contraire (mais j’espère me tromper) qu’elle rende les clients plus frileux face aux solutions innovantes et se tournent davantage encore vers des prestataires aux reins solides qui sortent la grosse artillerie bien proprio, liant les clients à vie.

Peut-être faudrait-il créer des Sociétés de Service en Données Libres ? Ou des Groupements d’Intérêt Économique constitués d’indépendants permettant de prendre en charge les gros projets ?

ps : s/où on été élevé/ou/, s/çà/ça/

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Je suis totalement d’accord, mais je pense qu’un autre mécanisme entre aussi en jeu : le fordisme.
Dorénavant, l’informaticien travaille à la chaîne. L’un fait des spec fonctionnelles générales qu’il transmet à un sous-traitant, lequel fera les specs fonctionnelles détaillées et les transmettra une équipe (au Maroc ou en Inde) qui codera. Le résultat sera tester par une autre équipe, intègrer encore ailleurs…

On a « industrialisé » le processus de développement.

Au bilan l’informaticien ne réalise plus jamais une application de bout en bout. On est passé de l’artisan au prolétaire.

[Reply]

Tellement vrai…

J’ai toujours considéré qu’il y avait trois genres de personne dans notre industrie:
1. Ceux qui font de l’informatique sans en avoir le parcours, par besoin ou passion: généralement modestes et inoffensifs.
2. Ceux qui font de l’informatique par nécessité sans que ce soit une passion, en ayant généralement survollé le parcours. Ceux là peuvent être très dangereux soit par leur passivité (vis à vis des standards ou de la qualité) ou leur tendance à prendre des décisions basées sur des opinions douteux / buzwords.
3. Les barbus (open source style la plupart du temps): les seuls vraiment capable de finir le projet correctement même avec 10% de ressources restantes pour peu qu’on leur laissent le champs libre…

@Karl: je suis également intéressé par une version anglaise (pour essayer d’ouvrir les yeux de clients anglophones), besoin d’un coup de main?

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La dimension la plus importante dont sont dessaisis les prolétaires de l’informatique, c’est l’usage qui peut-être fait des systèmes et des applications au développement desquels ils contribuent. Évidemment, la généralisation de la sous-traitance explique en partie cette distance prise avec les conséquences du déploiement (déferlement ?) des techniques informatiques. Loin du « métier », il devient difficile d’évaluer et de juger les impacts de ces transformations masquées par les indicateurs économiques et managériaux. En tant que spécialiste de l’Open Source dans une très grosse SSII, je dois malheureusement constater parmi mes collègues que faire le choix de ces technologies n’est pas plus propice à s’interroger sur cette dynamique de la « déresponsabilisation » des prestataires informatiques. Il y règne tout autant (si ce n’est plus) un fétichisme de la virtuosité technique qui forme un écran (au double sens d’espace de projection qui fascine et d’obstacle à la perception qui occulte).

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Il me semble que la situation n’est pas si désespérée. Il y a toujours plein de gens que ça AMUSE de conserver ou d’acquérir des savoir-faire qui ne sont plus utiles à rien dans le cadre de l’industrialisation de toutes les fabrications d’objets.

En plus, ces savoirs sont en train de redevenir utiles, justement pour échapper à la main-mise des grandes multinationales. Moi, je cultive mon jardin, mon fils fait son pain, une boulangère bio a monté sa petite entreprise près de chez nous, un apiculteur non seulement s’occupe de ses ruches mais fabrique des produits élaborés pour utiliser son miel.

Est-ce que c’est valable pour l’informatique? J’y connais rien, mais vu le nombre de bidouilleurs qui passent une partie de leurs loisirs sur leur ordi, je dirais oui, plutôt deux fois qu’une!

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Le sujet est très intéressant mais devrait être développé sur un axe plus social que technique. Pour les petits informaticiens de mon espèce, les progiciels Open Source ont les mêmes effets que les autres.

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Un autre aspect social plus général de ce phénomène de prolétarisation des sociétés informatiques et de leur « ouvriers » pourrait être mis en avant en répondant à la question suivante :
Si l’on considère la prolétarisation des informaticiens comme néfastes pour eux. Ne serait-ce pas une forme d’hypocrisie qu’ils puissent échapper aux principes dont ils sont eux-mêmes les premiers artisans chez leurs clients (et donc chez les employés de leurs clients) ?
A savoir, l’automatisation par l’informatique de tâches habituellement effectuées par des hommes (ou femmes évidemment).

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Habitué à la lecture ici, un peu d’écriture ne me fera pas de mal 🙂
Et donc j’aime beaucoup votre point de vue, et comme je me considère moi-même un peu comme un électron libre dans une grande SSII (citée d’ailleurs discrètement dans votre article), ça me parle beaucoup. Ce qui m’attriste souvent est, dans le même ordre d’idée, l’étroitesse d’esprit de certains clients, qui refusent toute remise en question, d’autant plus quand elles sont proposées par des consultants. J’en suis tristement venu à me taire devant mon client, faire ce qu’il me demande de faire, même si c’est absurde et contre nature parfois.
Je vois maintenant trop souvent la remise en question ou l’interrogation glisser de l’entreprise vers l’éditeur, qui va imposer sa solution parce que l’entreprise ne veut pas prendre le temps de s’interroger sur les besoins, les moyens, les méthodes…

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Ca fait longtemps que je pense à cette prolétarisation, et cela n’est pas que valable au niveau de l’ingénierie logicielle, mais aussi au niveau de l’ingenierie de modélisation grâce/à cause de logiciels aussi bien faits que MATLAB par exemple.

Je pense qu’une fois de plus, des personnages comme ceux que tu as décrits ne peuvent pas évoluer dans un environnement top-bottom comme ceux des SSII. Ces personnages ont besoin d’une liberté sans limite, ont besoin d’un manager à leur service et non pas l’inverse. Beaucoup d’entreprises ont compris cette approche, comme amazon, facebook, ou encore google.

Je pense que la SSII qui fonctionnera demain sera celle qui aura compris cela, et qui aura aussi compris que plus la hauteur de l’arbre hiérarchique est importante, moins elle aura de chances d’avoir des ingénieurs épanouis.

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Johan, le problème est que Amazon, Facebook et Google travaillent pour eux. En SSII on travaille pour les autres entreprises que notre employeur.

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16 Mar 2009, 11:33
by Crapaud froid

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« ont besoin d’un manager à leur service et non pas l’inverse » dit Johan Mathe à propos de certains « personnages » : mais c’est vrai pour tous les informaticiens, y compris les petits !!! L’initiative, la créativité et la responsabilité sont bridées à tous les niveaux par le préjugé selon lequel le manager commande, et que le subordonné doit obéir comme à l’armée. Vieille antienne de la discipline qui fait la force des armées.
Mais un « manager au service de ses subordonnés », est une idée aussi iconoclaste que celle qui consiste à aider les ménages surendettés.

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Comme le dit si bien Aurélien, cet article mérite plus qu’un commentaire:

http://www.bodysplash.fr/index.php?post/2009/03/16/La-prol%C3%A9tarisation-dans-les-soci%C3%A9t%C3%A9es-informatiques

(Si ceci est considéré comme une pub éhontée, je comprendrai :))

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J’ai eu la chance de travailler quelques temps dans une entreprise dans laquelle cette idée du « manager au service » était un mode de fonctionnement, où le taux de « barbus » était prodigieusement élevé, et dont le crédo technique était « à fond dans l’open source ». Ce qui m’avait définitivement attiré dans l’entreprise était justement le sentiment presque de joie qu’on ressent à être simplement compris (aussi bien humainement que techniquement) par la personne qui vous recrute. Et je ne saurais décrire la sensation lorsqu’on est recruté dans une entreprise dont on respecte le plus humble employé (peut-être
est-ce que qu’on ressentit les quelques personnes que j’ai connues qui ont été embauchées par Google).

Mais ça n’a pas marché.

Les « barbus » ont du mal à admettre des règles de fonctionnement qu’ils n’ont pas décidés, et tout était sujet à discussion pendant des heures, parfois pour des points de détails tellement mineurs que c’en était ridicule. Et le « manager au service », plein de bonne volonté, ne parvenait pas à faire aboutir à un consensus.
Ces mêmes « barbus » étaient souvent des intégristes, pas seulement au sens selon lequel l' »open source » serait l’unique solution à tout problème, mais également entre eux. Chacun detenait LA solution. Ils réinventaient la roue, en réécrivant des produits complets (mail server, linker, …) simplement parce que l’existant (déployés de manière industrielle depuis longtemps) ne leur convenait pas.
Bien souvent le contexte du problème du client ne les concernait pas ce qui est délicat à gérer dans le cadre d’une société de conseil et d’expertise.
Je pourrais multiplier les exemples.

Cette idée selon laquelle le management doit être au service de l’informaticien est séduisante, mais dangereuse. Je suis absolument convaincu que le développement est une forme art. La première qualité d’une architecture technique réussie est qu’elle est « belle ». Pour autant, les informaticiens ne sont pas des artistes, et il existe des critères objectifs pour l’esthétiques de l’architecture technique (ce qui la différencie des formes d’art plus classiques). Le plus souvent un informaticien ne peut pas fonctionner en roue libre, et il a besoin de limites dans lesquelles exprimer son talent.

Il FAUT un cadre, et un cadre fort. J’explique souvent qu’un cadre n’est pas un espace de contraintes, mais plutôt un espace de libertés (au pluriel).
Je suis également persuadé que même (et surtout) dans les entreprises comme Google, il existe un cadre fort, dans lequel les développeurs et autres experts techniques peuvent s’exprimer.

Le manager doit être à l’écoute, attentive et honnête, mais surement pas au service.

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Juste une petite précision, quand je dis que le manager est au service de ses employés, j’exprime ici le fait qu’il est au service de son équipe et non pas au service de ses employés pris indépendamment.

J’entends par là que :
– le manager sera en mesure de stopper des « débats stériles de barbus » qui vont au détriment de l’atmosphère et de la créativité au sein de l’équipe.
– ils tentent de convaincre certains membres qui proposent de réinventer la roue que ce n’est pas forcément la solution la plus intelligente (il faut aussi admettre que parfois, ca l’est, et avoir le culot de faire confiance à celui qui le propose et de le faire).
– ils protègent leur équipe des attaques du monde extérieur en servant d’intermédiaire pour les communications/attaques diverses et variées des concurrents ou supérieurs.

En bref je n’ai pas dit que le manager devait proner l’anarchie, mais plutot la cohésion au sein de l’équipe.

Je mettais en opposition le manager qui ne pense qu’à ses objectifs chiffrés pour la fin du trimestre, quitte à instaurer une ambiance de compétition/pression au sein de son équipe.

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Je vais reprendre les grandes lignes de mon post sur application-servers.com :
Ce constat est dans le même esprit que ce qu’on retrouve chez les Pragmatic Programmers /\ndy Hunt, Dave thomas et autres dans leurs différents livres que ça soit Pragmatic Programmer: From Journeyman to Expert, My Job Went to India: 52 Ways to Save Your Job.
D’ailleurs dans leurs conférences et dans leur dernier bouquin ils donnent un modèle d’investissement dans les nouvelles technologies au travers de l’opensource (comme par hasard ;o) ) afin de ne pas rester sur ses acquis et continuer à progresser.
Le modèle de Dreyfus qu’ils présentent donne pour moi une grille de lecture de ses compétences et de l’évolution qu’il faut leur donner pour rester pertinent.
[mode:autopromo]J’ai d’ailleurs écrit un article à ce sujet (http://www.ehsavoie.com/2009/02/le-…) et j’ai repris en français les conférences de Dave et /\ndy pour faire évoluer les esprits.
C’est dans cet esprit que nous avons monté le Coding Dojo à Grenoble (http://clubagile.org/evenements/cod…), afin de partager et de monter en compétences car apprendre seul dans son coin n’est pas des plus évident.
[/mode:autopromo].

Emmanuel

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Avec les URLS :
http://www.pragprog.com/ : pour les livres cités
http://www.infoq.com/presentations/Developing-Expertise-Dave-Thomas : la présentation de Dave thomas (en anglais) que j’ai reprise en français.
http://www.ehsavoie.com/2009/02/le-mdoele-dacquisitiondes-competences.html : le modèle de Dreyfus et son application pour les informaticiens
http://clubagile.org/evenements/coding-dojo/ : le Coding Dojo à Grenoble

Emmanuel

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16 Mar 2009, 7:36
by Crapaud froid

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Les programmeurs passionnés (et de génie) qui font du libre, vous laisse parfois avec de petites déconvenues. Exemple récent : faisant tourner des calculs scientifiques sous BOINC, j’ai eu la malheureuse idée, en suivant les recommandations de Rosetta@Home, d’utiliser BES ( http://boinc.berkeley.edu/addon_item.php?platform=win&item=http%3A%2F%2Fmion.faireal.net%2FBES%2F ) qui est un limiteur de CPU. Après avoir fait joujou, j’ai pressé les boutons « unlimit all » puis « exit », mais les limites sont restées fixées arbitrairement à 20% environ du CPU et pour toutes mes applis !!!

Bonjour le génie !

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16 Mar 2009, 9:19
by Crapaud froid

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AUTANT pour moi !!! J’ai trouvé le programme qui terrorisait mon CPU : le service « thread master ». Et d’où qui vient, le terroriste ? De windaube, of course. L’ayant stoppé, BES réagit au doigt et à l’oeil : nickel chrome impec. RAD. (Rien A Redire, sauf mea-culpa).

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In « Le Presta' » n°1 : http://lepresta.ouvaton.org/lepresta-numero-un.htm

Nous voulons être des « code monkeys »

Je suis tombé sur l’article The Development Abstraction Layer de Joel Spolsky (*), concernant le monde du développement logiciel. Il m’a été transmis par un ami, informaticien comme moi. J’ai l’impression que c’est un truc qui le fait saliver, ainsi que d’autres personnes avec qui j’en ai parlé. D’une certaine façon, c’est quelque chose que je peux comprendre.

L’auteur transfère un concept essentiellement issu de l’ingénierie informatique, la couche d’abstraction (abstraction layer), pour l’appliquer au management dans les entreprises de développement logiciel. Comme beaucoup d’autres, il constate que le modèle hiérarchique de management est peu efficace et frustrant pour tous, employés comme clients. D’un autre côté, un programmeur n’est brillant que s’il peut s’adonner passionnément à son activité. L’auteur propose alors une autre voie pour l’encadrement des développeurs informatiques.

Il s’agit de faire une sorte de cocon pour le programmeur de façon à ce qu’il n’ait rien d’autre à se soucier que de la production de son code, de l’isoler de toute problématique (considérations marketing, matériel, etc.) autre que la tâche sur laquelle il travaille. Selon l’auteur, un « bon » management serait une équipe qui servirait sur un plateau des conditions de travail idéales pour le « nerd » qui sommeille en chaque ingénieur, lui permettant ainsi d’atteindre le maximum de son efficacité. L’auteur avance que le succès de Microsoft serait dû à une orientation particulièrement efficace de son management dans cette direction.

Nous avons ici un bon exemple de la déresponsabilisation par la spécialisation poussée à son extrême, au point d’en devenir une caricature. La réduction à l’état de simple rouage bien huilé de la machine productive semble être le rêve de nombre d’informaticiens.

Peu importe où se dirige le navire, tant qu’on peut bricoler à loisir le gouvernail. Que penser d’une société dont les membres implorent qu’on les prive de leur pouvoir de décision au sein de la vie collective ?

L.

(*) http://www.joelonsoftware.com/articles/DevelopmentAbstraction.html

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Merci K. pour m’avoir fait découvrir « Le Presta' » ! Vraiment rafraichissant comme magazine en ligne, je le conseille : http://lepresta.ouvaton.org/index.htm

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17 Mar 2009, 2:54
by totodobrazil

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il est bien cet article,

si on parle de gachi de cellule grise (nombre de personne travaillans dans l’info ne sont pas passionné)…

on peut etendre ton article a l’énorme gachi matériel…1000 micro ou écran présentant strictement la même panne… (1 condensateur == 0.50 d’euro)

notre societe s’assoie avec le sourire sur des tonnes et des tonnes de materiel jetée au ordure de competence inexploité au profit de personne qui ne manipule eux que des termes abstraits..

juste un point sur le monde du libre, celui ci est loin d’etre accessible au pekin moyen, et demande un gros investissement personnel …

maintenant es ce que les systemes proprietaire rendent leurs utilisateurs idiot, je crois pas ca en reviendrais a dire qu’un language interpreté rend le développeur idiot!!! (et une comparaison a deux balle une 😉 allez vive le offshore, les elites et l’elitisme !!!!

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17 Mar 2009, 4:48
by Antoine P.

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Je suis content de n’être pas le seul à dire que les sociétés de service (et, d’une manière générale, l’économie de la sous-traitance de prestations à façon) ne sont pas les amies du logiciel libre (*). Aussi que le logiciel libre, c’est la résurgence du métier (ou savoir-faire) et de ses joies, même s’il est important de s’attacher /aussi/ aux quatre libertés.

(la motivation dominante pour la participation au LL est liée au métier : cf. http://www.infonomics.nl/FLOSS/report/Final4.htm#_Toc13908258 -> « share knowledge and skills », « learn and develop new skills »)

Quant à l’industrialisation, c’est ce que les structures de management cherchent à imposer, mais on sait que c’est un échec technique et économique (cf. The Mythical Man-Month). Une activité industrielle est une activité qui par construction peut « passer à l’échelle » (si je veux produire deux fois plus de voitures, je construis deux fois plus d’usines et de chaînes de montages, avec deux fois plus d’ouvriers). Le logiciel est un acte de création qu’on ne peut pas reproduire à l’identique.

Ceci étant dit, je me demande si le recours systématique aux SSII (jusqu’aux excès les plus caricaturaux: shortlists etc.) est une spécificité française, ou une tendance mondiale. Quelqu’un a-t-il la réponse?

Amicalement

Antoine.

(*) cf. http://www.libroscope.org/Faut-il-un-modele-economique-du

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18 Mar 2009, 1:39
by Guillaume L

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Même si je suis d’accord avec certaines analyses du billet, je trouve la transposition de la prolétarisation du début la révolution industrielle aux SSII du 21è siècle plutôt tirée par les cheveux.

La notion de prolétariat émise par Marx au XIXè siècle est avant tout intimement liée à celle de lutte des classes. La bourgeoisie détentrice du capital et des moyens de production exploitant des ouvriers munis de leur seule force de travail, dévolus à des tâches manuelles simples, dont le salaire tend vers un minimum vital à cause du chômage et de l’interchangeabilité de la force de travail.

Je n’ai rien contre Marx, mais je suis ingénieur de développement en SSII et je n’ai pas du tout l’impression d’être un prolétaire. Ni par mon positionnement dans un affrontement fondamental entre deux mondes ou deux classes, ni par mon salaire, ni par une simplicité et une basicité criantes des tâches qui me sont confiées.

Notre métier (le génie logiciel comme vous-même l’évoquez) reste tout de même basé sur l’apprentissage d’un savoir-faire évolué, de techniques avancées nécessitant réflexion, capacité d’abstraction et inventivité, qui ne s’acquièrent pas en regardant faire un collègue pendant une journée.
Je ne pense pas que tous les CV ni même la majorité des CV d’informaticiens soient interchangeables, il suffit de comparer l’intérêt suscité chez un employeur ou un client par un CV junior et par un CV avec plusieurs années d’expérience…

Vous citez par ailleurs la baisse tendancielle du profit comme une vérité avérée ; celle-ci est considérée par bien des économistes (y compris se réclamant du marxisme) comme caduque, ne tenant pas compte du rôle majeur de l’innovation entre bien d’autres choses.
De plus cette théorie fait fortement appel à la différenciation entre la nature de la force de travail humaine et celle des machines dans un contexte industriel. Transposé au 21è siècle dans un monde de services, on comprend vaguement le phénomène que vous tentez de décrire (existe-t-il seulement ?) mais il parait hasardeux de lui donner ce même nom.

Au final, je suis plutôt d’accord avec le constat des problèmes actuels rencontrés par les SSII et les solutions esquissées vers la fin du billet, mais le point de départ et surtout le lien prolétarisation => aseptisation et appauvrissement du secteur IT me paraissent biaisés.
Tellement d’autres facteurs entrent en jeu (banalisation de toute une grappe d’anciennes « nouvelles technologies », rôle de la crise économique dans la frilosité du choix des technologies IT, perception du job par certains informaticiens eux-mêmes comme quelque chose d’alimentaire…) que cette simple explication semble un peu caricaturale.

[Reply]

Merci Guillaume pour ce commentaire.

Il y a « transposition » c’est évident car le monde industriel du XIX ne ressemble plus au monde industriel du début du XXI.

Cela dit, il est important de distinguer le sens de prolétarisation de celui de paupérisation car la confusion a très souvent été faite. Marx lui-même disait que la prolétarisation menace pas seulement les ouvriers mais tous les salariés.

Vous dites que dans un monde de service et non plus un monde industrel ce que je décris n’existerait pas, allez donc voir les centre d’appels et les activités de *conseillers* en tout genre. Je crois donc que non seulement qu’il existe mais qu’il est massif.

Concernant la baisse tendancielle du taux de profit : son existence est une évidence puisque l’innovation est précisément là pour relancer l’activité, comme vous le soulignez à juste titre : si je n’innove pas ou si je ne fais pas de publicité la consommation de mes produits/services et mes bénéfices vont aller en décroissance.

Sur les CVs je suis d’accord avec vous, mais quand les prestations sont faites au forfait il n’y a plus de CVs.
Enfin, sur les autres aspects de la question que vous évoquez en fin de commentaire, ils existent aussi, bien sûr.

[Reply]

Le prolétaire n’est pas tellement celui dont le savoir-faire est capté par une machine, mais avant cela, celui qui est obligé de vendre et revendre ce savoir-faire pour survivre matériellement.

Avant d’être plongé dans le chaudron de la valeur, les activités de l’artisan sont (idéalement) adossées à des activités de subsistance autonomes, de sorte que la raison d’être de l’artisanat est de produire des outils durables, et non de développer les activités artisanales.

A partir l’état de dépossession vis-à-vis des conditions de subsistance, il est clair que les débats sur ces savoir-faire vont toujours présupposer qu’ils sont indispensables, et qu’ils sont globalement positifs.

Il n’est pas jusqu’à Marx qui ait alimenté les justifications politiques de cette absence de questionnement sur les usages des savoir-faire, puisque le « développement des forces productives » était censé apporter tel le messie l’activité libérée des questions de subsistance. On voit ce qu’il en est aujourd’hui, où à la fois notre subsistance matérielle n’a jamais été aussi fragile, et où les « forces productives » n’ont jamais été aussi développées, où l’on a jamais été autant dépossédés personnellement et collectivement de l’entretien de nos besoins vitaux.

[Reply]

Bien vu, même si je ne suis pas sûr que le terme de prolétarisé me semble le plus particulièrement approprié.

Le probleme des SSII n’est pas le problème des informaticiens passionnés. Il s’agit de 2 choses différentes. Ce serait un peu comme prétendre que les problemes de la Star Ac’ sont ceux des artistes musiciens.

Par ailleurs, il s’agit, me semble-t-il, d’un problème spécifique au marché français. Dans les autres pays (Suisse, Angleterre, Allemagne, US pour parler de pays que je connais) les entreprises embauchent les informaticiens parce que, très souvent, elles jugent que la connaissance technique de leur système d’information est un élément critique. Ce qui n’est certainement pas le cas chez nous pour un grand nombre de raisons culturelles.

C’est justement parce qu’ils sont passionnés que les développeurs open source ne travaillent pas chez des SSII. Ils préfèrent travailler pour des start-ups, des éditeurs ou en indépendant mais certainement pas pour des SSII qui vendent des services informatiques comme si elles vendaient des barils de lessive.

A quelques rares exception près (Octo, Softeam ou Valtech il y a quelques années) les SSII souffrent d’un problème d’image flagrant : elles sont toutes tristement identiques, sans réelle culture, sans réelle passion pour la technologie. J’en ai rencontré une douzaine dans ma ville lorsque j’ai perdu mon emploi durant l’hiver 2007 et mes interlocuteurs étaient d’une tristesse, d’un manque de compétence technique et de culture informatique terrifiants.

Indépendamment de ce point il me semble que nous, informaticiens, avons une chance incomparable, dans la mesure où comme le rappelle Peter Drucker, et pour poursuivre sur une analogie Marxiste, nous possédons les moyens de production : à savoir la connaissance.

A cela s’ajoute que les ressources pour acquérir, améliorer cette connaissance sont en grande partie libres d’accès grâce au net.

Enfin, malgré la crise, le marché de l’emploi demeure fluide et vivace : les informaticiens prolétarisés dans les usines de développement peuvent donc à tout moment échapper au sinistre destin que vous décrivez.

En conséquence, et à la différence des ouvriers dépeints par KM, nous sommes tout à fait en mesure de contrôler notre destin professionnel, ce qui est, je le repête, une chance inestimable.

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Denis, je ne suis pas sur de bien comprendre la fin de votre phrase « …de sorte que la raison d’être de l’artisanat est de produire des outils durables, et non de développer les activités artisanales. »

Ne confondez-vous pas l’artisan et celui qui vit en autarcie ?

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18 Mar 2009, 4:49
by Crapaud froid

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@ceciiil qui écrit : « nous sommes tout à fait en mesure de contrôler notre destin professionnel ».
Vous peut-être, moi non. Qui n’a pas l’étoffe pour atteindre le sommet, (soit de la technique, soit du management), sera traité comme un vulgaire employé.

La prolétarisation n’est pas un phénomène individuel mais collectif : c’est le revers de la médaille, la face cachée du libéralisme qui prétend, farceur comme il est, de donner plus à chacun en fonction de ses mérites. Mais en piquant plus à tout le monde.

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 » Ne confondez-vous pas l’artisan et celui qui vit en autarcie ?  »

L’autarcie serait plutôt du côté du prolétaire qui, en monnayant son activité pour subsister, n’a effectivement besoin de personne en particulier puisqu’il dépend de tout le monde.

Dans la production de marchandises, l’effort humain prend la forme du travail abstrait. Par cette forme, les travaux privés sont « orientés » prioritairement vers la production de valeur. Des lors, chaque travailleur est relié aux autres par l’intermédiaire de sa relation strictement individuelle au dispositif (gestionnaire, financier, technique, etc.) qui « capture » son travail privé en le dotant d’une forme-valeur.

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Bonjour à tous, j’ai vu cet article par l’intermédiaire de http://www.application-servers.com et je me permet d’apporter ma modeste contribution à ce débat car j’ai réalisé mon mémoire de fin d’étude (un peu baclé – surtout au niveau technique – et plein de naïveté étudiante) sur un sujet similaire :

http://cid-f608bd3962fe674d.skydrive.live.com/self.aspx/.Public/MEMOIRE.pdf

Depuis j’ai un peu travaillé ;), et même si mes conclusions resteraient globalement les mêmes , ma petite expérience m’incite à relativiser l’imminence d’un tel mouvement. L’informatique de gestion traite d’informations qui sont produite, transmise et gérée essentiellement par et pour des humains et ce facteur me semble limiter pour encore un bon bout de temps la transformation des développeurs en simple exécutant sans initiative ni implication (et c’est pas plus mal pour le moment je crois).
Par exemple, si dans mon mémoire j’évoquais déjà les softwares factories indiennes, la multiplication de ce phénomène à l’échelle mondiale me semble désormais encore assez lointaine (surtout depuis que je travaille chez un petit éditeur de logiciel qui est à des années lumières de l’industrialisation des process de dev). Pour moi il va rester encore longtemps un décalage entre les développeurs des gros projets et des petits (que ce soit chez un éditeur, dans une SSII ou dans un SI d’entreprise) et la grande majorité restera encore lgtps du coté de « l’artisanat ».

J’aimerais ajouter beaucoup d’autres choses mais bon le mémoire les contient pour la plupart 😉 même si elle demanderait surement à être affinée ou mise à jour, les idées y sont… Et je serais ravi d’en discuter pour ceux qui voudrait y apporter une critique constructive.

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(yeaux au ciel)
@CrapaudFroid : pour le coup la sempiternelle litanie anti-libérale est super à coté de la plaque. Dans cet article Christian Fauré parle de l’aliénation due aux tâches répétitives exécutées par les informaticiens, du sentiment de dépossession de la finalité de son travail. Il eut été plus approprié de parler de Fordisation que de prolétarisation à mon sens. Bref, cette fordisation du travail résultant d’une sur-industrialisation des métiers de l’information se vit surtout dans les grosses structures, et en particulier dans l’administration et ce depuis les temps Kafkaïens.

Je ne sais pas pour les autres corps de métier, mais pour le nôtre, basé sur l’innovation et les technologies, le libéralisme est un système qui me semble particulièrement approprié. Ainsi, il permet et finance-t-il l’émergence de myriade de nouvelles solutions et services, au sein desquelles gisent les google et facebook de demain. Google et Facebook qui ne sont pas sortis d’un plan quinquennal ni du CNRS si je peux me permettre de rappeller. J’ai fait un billet ici sur les moteurs de l’innovation, sujet qui me fascine : http://ceciiil.wordpress.com/2008/09/03/fast-food-for-thoughts-innovation/

Je ne comprends pas de quoi vous parler lorsque vous parlez d’étoffe. Il n’est pas ici question de se qualifier pour un voyage interplanétaire ou une finale de coupe du monde, mais simplement d’avoir conscience de la situation extraordinairement faste dont nous, informaticiens, même aujourd’hui, bénéficions.

N’êtes vous pas formé ? Ne disposez vous pas de compétences et de savoir faire ? Ne bénéficiez vous pas de formation ou du DIF pour améliorer celles-ci ? Faites-vous un métier qui vous plait ? Savez vous ce que vous aimeriez faire ? Avez vous fait un bilan de compétences ? Nous avons la chance en France de bénéficier en France d’une multitude de lois et d’administrations nous accompagnant dans ces processus d’orientation de carrière, les avez vous consultées ?

Je vais vous sembler être un demeuré, un fumier ou, pire, un libéral, mais à mon humble avis, il s’agit plus d’une question de volonté. Est-ce que j’accepte de subir ma carrière professionnelle en concentrant mon énergie pour en rejeter la responsabilité sur le super-méchant libéralisme, ou au contraire je concentre mes efforts sur mon employabilité pour profiter du contexte dont nous (encore une fois particulièrement privilégiés dans le contexte actuel) bénéficions pour contrôler ce qui m’arrive et donner du sens à ma vie professionnelle ?

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@Stephane : tu ne vois pas ces software factories parce que justement tu es dans une petite structure, qui a un contact généralement direct avec le client et l’utilisateur.

Je rebondis sur : « L’informatique de gestion traite d’informations qui sont produite, transmise et gérée essentiellement par et pour des humains »
Dans le cadre d’une petite structure, tu verras effectivement que cette affirmation se confirme. Cependant dès que la structure grossit, elle sera de moins en moins vrai.
Pour exemple, cela fait plus de 3 ans que je travaille dans le milieu automobile, et jamais je n’ai vu un utilisateur direct des produits que je réalisais. Ce qui entraine plusieurs choses : perte de contact avec l’utilisateur final, vision abstraite des taches à réaliser, souvent, beaucoup de trucs à revoir parce que… Parce que l’utilisateur voulait pas son truc comme il a été fait. Et surtout, *jamais* de remerciement pour le travail accompli. La gratitude doit être pour moi un moteur qui pousse à travailler à se démener pour faire un développement sain, propre, et qui plaise, et cette gratitude là, nous ne l’avons plus.
Certains croient que tout tombe du ciel, que personne n’est derrière, et souvent sont étonnés de savoir que pour que leur application fonctionne, il faut travailler la nuit ou le week-end, jours fériés, même quand on est en congés…

Donc non, moi au contraire, je vois une externalisation latente des services et développements, qui tend de plus en plus vers du software factory comme tu dis.

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@ceciiil -> « comme le rappelle Peter Drucker, et pour poursuivre sur une analogie Marxiste, nous possédons les moyens de production : à savoir la connaissance. » Trés bonne remarque c’est justement ce sur quoi s’appuie l’analogie dans mon mémoire 🙂

@kim -> « Dans le cadre d’une petite structure, tu verras effectivement que cette affirmation se confirme. Cependant dès que la structure grossit, elle sera de moins en moins vrai. » Je le sais, j’ai travailler pour air france , le cnes et pour airbus au travers de SSII et c’est sur que cela ne fonctionnait pas du tout pareil. Mais ce que je voulais exprimer comme idée, c’est que la majorité des développeurs me semble justement être dans des structures qui même si elle ne sont pas minuscule, n’ont pas la taille critique pour capitaliser puis industrialiser leur développement.

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[…] Informatique : La prolétarisation dans les sociétés informatiques chez Christian Fauré: En lisant cet article je me suis revu à l’époque où je travaillais chez SFR! Un projet qui ne coute pas cher est qui est développé en 2 fois moins de temps qu’un projet qui coûte très cher, c’est surement parce qu’il y a un truc qui cloche. […]

Bonjour,
Article et discussion très intéressants, merci.

Je me reconnais pour la plus grande partie dans cet article. Je ne vais pas entrer dans des considérations idéologiques sur le choix ou non de tel ou tel terme, à mon sens les symptômes observés prennent pour source la réalité business: pour une SSII et d’un point de vue purement économique, la prestation de type régie « idéale » est « raisonnablement en retard », et la prestation de type forfait « idéale » est « juste suffisante pour éviter les pénalités de retard ».

L’explication est simple, une régie qui se prolonge ad vitam aeternam avec les mêmes ressources et qui en appelle de nouvelles est rentable. A l’inverse, un modèle de régie qui, pour le prolongement du contrat, se base essentiellement sur les compétences des prestataires, et non sur leur « indispensabilité », est risqué. Une dichotomie similaire peut être faite pour les forfaits – à quoi sert de faire du zèle maintenant si on peut se le réserver pour la « phase 2 »? A rien, sinon à réduire le scope et donc le chiffre du contrat à suivre?

Ce sont sur ces constats évidents que les managers de SSII sont évalués. On ne le dit pas – on l’ignore certainement d’ailleurs – mais la réalité des chiffres est là. Pierre le project manager fera plus de chiffre que Jacques si, toutes choses égales par ailleurs, les devs de Pierre sont « juste un peu moins compétents » que ceux de Jacques.

Cette idée de culte de l’incompétence fait son chemin depuis une bonne dixaine d’années. Depuis dix ans, les developpeurs aspirent à sortir de ce moule qui les contraint dans cette sorte de prison et fait de leur zèle (que l’on peut assimiler à une forme de « geek-attitude ») un défaut. Les issues? Quitter le dev pour le management en SSII, quitter la SSII pour une start-up, ou renoncer purement et simplement à vivre de leurs compétences techniques.

Tout le problème est là.

Le jour où des cowboys de l’informatique, de ceux qui valorisent le zèle, la geek-attitude, les compétences techniques et organisationnelles, qui sauront fusionner les concepts franco-français et dépassés de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’oeuvre pour les projets informatiques, le jour où une telle équipée sauvage s’emparera de tous les projets pharaoniques d’une grande entreprise en difficulté, pour les faire aboutir en un minimum de temps simplement en les comprenant et en les repensant, on aura une preuve de concept et un signal fort comme quoi le temps de la prolétarisation dans les SSII est terminé.

Croisons les doigts!

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Débat vraiment intéressant, merci.

N’étant pas de votre monde, sachant au mieux assembler des bouts de code java et bidouiller un css (et encore dès que je peux utiliser un CMS, je le fait) je retiens surtout que le problème que vous évoquez peut très facilement se transposer aux autres domaines de l’ingénierie, d’autant plus facilement que l’outsourcing est à la mode. On consomme des ingénieurs au même rythme que les ramettes de papier.

L’autre problème à mes yeux viens des ingénieurs eux même.
En voulant désacraliser leurs métiers, les ingénieurs se sont banalisés au point de perdre l’esprit de passionné de la technique que l’on devrait retrouver chez eux et de voir leur salaire baisser parce que les boss ont compris que même si eux n’y comprenait rien, le petit n’était pas un génie et qu’il y’en a 100 qui frappent à la porte.

C’est ce que je vois chez les élèves d’écoles d’ingé: entre ceux qui sont la parce au’ils étaient « bon en math » mais c’est tout, ceux qui auraient préféré faire une école de commerce parce que les salaires leurs semblent meilleurs et ceux dont le pouvoir critique est inversement proportionnel au nombre de hoax qu’ils relaient sur le forum interne, ca ne fera pas beaucoup de passionnés à l’arrivée.
Et selon moi, un bon ingénieur est forcément passionn´par son métier. Un ingénieur qui veut pouvoir poser son cerveau en sortant du boulot n’a rien compris.
Ainsi selon moi, les ingénieurs victimes des boîtes d’outsourcing sont en partie coupable, coupables de ne pas avoir voulu être ingénieur pour commencer.
C’est peut être moins flagrant dans l’info car l’aspect « nouveau continent » attire pas mal de monde mais dans d’autres secteurs comme le bâtiment…

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Le débat qui cet article a suscité est de qualité à défaut de concilier tous les points de vue.

Cette aspiration de la connaissance par la machine, hardware ou software, est particulièrement singulière. Elle s’effectue de manière inexorable mais, à mon humble avis, ne remplace pas encore la compétence des hommes et femmes de qualité.

Je constate pour ma part, en parallèle de ce siphonnage, que la compétence a définitivement quitté le monde IT des grosses structures, celles-là même à qui les SSII vendent leurs services. Leur management n’est plus à même de comprendre la technicité des solutions qui leur sont proposées. Ne pouvant plus juger de l’adéquation des solutions sur base d’éléments techniques, ils le font sur base d’une nouvelle assiette de critères … le plus souvent purement « business », en tenant compte d’une analyse de risque.

Pour développer ce parallèle de fuite de la compétence, de cette dichotomie de plus en plus manifeste, jusqu’à l’absurde, entre le « Business » et le « Technique » j’ai proposé un petit texte sur le mode cinglant : http://www.latosensu.be/articles/core/les-malheurs-IT/IT-soumis-business.php.

Étant localisé en Belgique et oeuvrant essentiellement dans le monde bancaire, je suis particulièrement intéressé par un débat contradictoire.

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[…] que j’y suis, dans le numéro précédent, on pouvait lire un écho du post de Christian Fauré sur “la prolétarisation dans les sociétés informatiques”. Petite anecdote à ce sujet : étant donnée la durée forcément imprévisible et courte des […]

Je souhaite partager mon expérience car cela corresponds au sujet traité. En effet cet dernières années j’ai constaté l’évolution du métier de développeur. Le développement de projets informatiques est un métier difficilement maitrisable en terme de performances du logiciel et surtout du temps de développement. Une réponse des SSII est l’industrialisation. On divise le travail en courtes taches. La manière dont on fait les taches est régie par un département dit « qualité » et dont on nous dit que cela permet d’accélérer les projets. De nombreux documents permettent de stocker la compétence sur le projet. Les avantages sont de pouvoir anticiper grossièrement le temps de développement en ajoutant la somme des taches qui ont été anticipées. Mais aussi cela permet de ne pas dépendre des ressources qui peuvent passer d’un élément du logiciel à un autre. Ainsi l’informaticien est une ressource interchangeable et surtout pas un spécialiste dont dépends l’entreprise. Et comme chaque tache a été préalablement planifiée, on peut évaluer la performance de chacun et mettre la pression adéquate. Comme les prévisions sont systématiquement optimistes sous la pression du management, le développeur court après son retard toute la journée et rares sont ceux qui descendent en dessous de 45h par semaine. Dans ce cadre le job devient alimentaire, et presque personne ne passe de temps pour se former dans le cadre de ses loisirs. Peut-être peut on penser qu’il s’agit là d’une forme de bénévolat. Curieusement les gens les plus performants et les plus novateurs que j’ai rencontré étaient aussi passionnés d’open source. Mais finalement ils prennent des responsabilités et finissent par réfléchir pour toute l’équipe et prendre leur part de responsabilité dans l’industrialisation.

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15 Déc 2009, 6:05
by bonjour assistance informatique colmar

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On sent le vécu dans cet article, moi même j’ai ce sentiment qui me traverse l’esprit parfois, je me dit que c’est le nouveau millénaire qui veux ça.

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Tout ingénieur ouvrant un peu les yeux se rendra en effet compte que, a terme, son métier est menacé.

Comme on le disait un peu plus haut, l’application de norme qualités de type ISO (division scientifique du travail) provoque un abaissement de la barrière technique pour exercer cet emploi.

Dans un même temps, on augmente l’offre d’informaticiens avec la concurrence de pays ou la main d’oeuvre est peu couteuse, provoquant une pression forte sur les salaires.

On retrouve ici les 2 caracteristiques d’une prolétarisation du métier, expliquant partiellement le déclassement tel que nous le vivons. Nous vous proposons une analyse complémentaire (plus sociale/sociologique) de celle présentée dans cet article a l’adresse suivante:

http://www.jupiter-blog.com/declin_ingenieuriat

Merci pour votre blog.

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[…] les “technologies de gestion” entraînent une désindividuation et donc plutôt la prolétarisation des utilisateurs et même des concepteurs et développeurs de ces systèmes, tandis que les […]

4 Oct 2011, 10:55
by jean-louis

reply

Excellent article !!!!!
je partage à 150% et plus
je renvois à la lecture du livre Services web RESTful où l’on trouve des lignes sur les « vendeurs de complexité »….
pour Jean-paul Figer, je confirme. On peut ne pas être d’accord sur tout, mais j’ai eu la chance de le voir en action.

La première qualité d’une architecture technique réussie est qu’elle est « belle »:
100 fois oui, on rejoint ainsi l’idéal grec initial qui veut que la beauté est proche de la vérité.
L’autre qualité d’une architecture c’est qu’elle traverse le temps
en grec, archi signifie fondement, commencement .(Au commencement était ….)

encore merci pour cet article.

Cordialement.
(de la part d’un architecte SI).

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