Du mode d’existence des catégories statistiques

Le développement des probabilités dans le domaine statistique – c’est à dire dans le champ de l’économie politique – produit depuis le 19° siècle de nouvelles catégories ; de nouvelles manières de faire l’un à partir du multiple.

Du coup, des débats ont eu lieu pour savoir qu’elle est la nature de ce nouvel objet issu de la statistique, et s’il a une existence autonome ; débats qui seront encore vifs jusqu’aux travaux de Durkheim et de l’émergence de la sociologie.

C’est toute la vieille tradition scolastique, celle de la querelle entre nominalistes et réalistes (qui trouve elle-même sa source antique dans les Catégories d’Aristote) qui va être reprise à nouveaux frais dans le contexte statistique.

Pour symboliser ces nouvelles catégories statistiques, celles que produisent les probabilités fréquentistes appliquées à la constitution des états-nations du 19° siècle, on peut évoquer la figure de l’astronome belge Adolphe Quetelet (1796-1874). more »

De nouvelles institutions pour une nouvelle puissance publique

Dans Le rôle des probabilités dans la constitution des États-Nations : l’invention de la statistique, je rappelais que :

« les descriptions statistiques naissantes sous l’ancien régime, quelles soient destinées au Roi ou à son administration, sont secrètes ; elles ne sont pas destinées à éclairer une société civile distincte de l’État : c’est en dehors de ce dernier que se développe une tradition privée de description sociale ».

Cette situation va changer après la révolution où les statistiques descriptives vont faire l’objet de publication, c’est à dire de rendu public.

more »

Le rôle des probabilités dans la constitution des États-Nations : l’invention de la statistique

L’histoire du calcul des probabilités, outre le fait qu’elle oscille entre les deux points de vue, fréquentiste et bayesien, est intimement lié à la constitution des états-nations, comme le montre Alain Desrosières dans son Ouvrage « La politique des grands nombres », sous-titré « Histoire de la raison statistique ».

Comment les techniques de calcul des probabilités ont-elles participé à la constitution des état nation ? Réponse : en créant de nouvelles catégories.
Le calcul des probabilité, qui émerge au 17° siècle, va être amené à jouer un rôle déterminant dans la constitution de la puissance comme état-nation dès la fin du 18° siècle et pendant le 19° siècle. Cette contribution va s’appeler la statistique.

La statistique, c’est le calcul des probabilités appliqué à la constitution de l’état, par l’état et pour l’état.

Le terme même de « statistique » vient de l’allemand statistik dont l’étymologie témoigne du fait qu’il s’agit de faire état, de constituer un état. En ce sens, la statistique est la science de l’état.  Mais chaque pays a ses spécificités : jetons un oeil rapide aux cas de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la France. more »

2 Sep 2013, 9:38
Défaut:
by

4 comments

Catégoriser

 

Une catégorie n’existe jamais seule, elle s’inscrit toujours dans une co-relation avec d’autres catégories ; ce qui produit des listes, plans de classements, taxinomies, etc.. Dans ce contexte, catégoriser peut vouloir dire deux choses, et c’est une distinction importante à rappeler :

  • d’une part le fait de produire des catégories,  de nouvelles listes de classes d’équivalence. Par exemple Linné, au XVIII° siècle, produit des classifications et des taxinomies, des espèces vivantes.
  • d’autre part le fait de placer un élément dans une catégorie – une classe d’équivalence – d’une taxinomie ou plan de classement. Ce que les statisticiens nomment « coder » mais aussi « qualifier »

Derrière cette double compréhension du verbe « catégoriser » il y a la dualité des points de vue de Linné et Buffon qu’analyse Foucault dans « Les mots et les choses« . more »

Deux visages du calcul des probabilités : bayésien et fréquentiste

Après Les conditions d’émergence des probabilités puis La mesure du probable et l’entre-deux des catégories, et à présent où je vais aborder le calcul des probabilités (c’est à dire la mathématisation du probable), je ne peux plus repousser l’exposition d’une dualité interne et épistémologique de l’histoire des probabilités.

Il y a en effet deux conceptions des probabilités, toutes deux présentes dès les débuts de la mathématisation du probable. On parle ainsi : more »

La mesure du probable et l’entre-deux des catégories

Logo_proba_4.svgDans la précédente note sur L’émergence des probabilités, je présentais la manière dont le concept de probabilité avait profondément changé depuis l’antiquité pour devenir celui que nous connaissons à partir du XVII° siècle.

Poursuivons donc, si vous le voulez bien, cette généalogie des probabilités. more »

Les conditions d’émergence des probabilités

Le statut de l’autorité dans les débats et controverses de la casuistique

On fait généralement remonter à Aristote la première occurrence du terme « probable ». Dans ses Topiques, où il écrit :

« Sont probables les opinions qui sont reçues par tous les hommes, ou par la plupart d’entre eux, ou par les sages, et parmi ces derniers, soit par tous, soit par la plupart, soit enfin par les plus notables et les plus illustres »

Dans la distinction traditionnelle entre connaissance et opinion, le probable désignera, jusqu’à la renaissance, non pas ce que nous entendons aujourd’hui comme probable – c’est à dire plausible ou possible selon un certain degré de certitude – mais ce qui, dans le domaine de l’opinion, est « digne d’approbation » ou « digne de foi ».

La probabilité est alors un indice de confiance.

La probabilité renvoie à la probité d’une autorité, qui peut être le nombre de personnes qui partagent une opinion, ou l’autorité (morale, religieuse, savante, etc.) d’une tierce personne.

Ce concept de probabilité, tel qu’il perdure dans la scolastique, va entrer en crise dans le cadre des pratiques casuistiques et à l’occasion de l’émergence du probabilisme. more »