Credo sur l’ombre des Lumières
Le mouvement des Lumières visait à s’émanciper de toutes les formes d’autorités qui s’imposaient aux XVII° siècle : autorité religieuse, corporatiste, monarchique, etc.
L’émancipation s’est produite via un discours qui érigeait un mur entre l’invidivu et la société (savante, religieuse, royale, etc.) et qui cherchait à fonder la raison et les savoirs sur les seules bases de l’autonomie de l’individu, en rejetant l’autorité sociale et en mettant en doute systématiquement toutes les représentations du réel (des formes d’interprétations fallacieuses).
Bien à l’abri dans l’intériorité de son esprit, l’homme des Lumières produisait une forme d’autisme à son environnement politique pour mieux l’ignorer et le disqualifier. La déclaration d’indépendance des Etats Unis d’Amérique et la Déclaration des droits de l’homme ont fini de concrétiser les espoirs des Lumières et de libérer le peuple ( de la couronne d’Angleterre et de celle de France).
Aujourd’hui encore, tous les jours, nous sommes et restons les héritiers de cette conception des Lumières qui reste notre arme de prédilection contre toute forme d’autorité extérieure au moi. En même temps, nous en payons un lourd tribu parce que le contexte historique n’est plus le même, ce tribu se manifeste essentiellement sur deux axes :
- l’axe politique
- l’axe épistémologique
1/ Sur l’axe politique il se manifeste dans le primat de l’individu, y compris dans sa forme la plus égocentrique, et contre toute forme de privation de la liberté, notamment par l’autorité d’un état ou d’un gouvernements : ce sont les mouvements libéraux et néo-libéraux, au sens européen, aussi bien que les libertariens, au sens américain, qui incarnent cette tradition politique issue des Lumières.
La liberté est à chaque fois d’abord ma liberté. D’un point de vue politique, cela se traduit par la volonté d’une limitation significative, voire radicale, du pouvoir des puissances publiques. On retrouve cette idée dans le fameux slogan de Ronald Reagan : « Le gouvernement n’est pas la solution, c’est le problème ». L’alternative à la puissance publique étant systématiquement le marché et la loi du marché.
2/ Sur l’axe épistémologique, il se manifeste par l’importance du courant cognitiviste. Dignes héritiers de Descartes, ils conçoivent le cerveau comme une machine à calculer, qui manipule des représentations calculables. Ils sont très à l’aise dans toutes les transformations digitales en cours qui manipulent des informations quantifiées et calculables. Ils sont souvent le bras armé des libertariens car ils produisent les systèmes techniques (Big data, Data Science, Décisions algorithmiques, Neurosciences, Réalités virtuelles et Augmentées, MOOCs, etc) qui sont sensés nous rendre plus efficaces individuellement et nous libérer de toute forme d’autorité institutionnelle.
Comme beaucoup, je suis pour l’autonomie et la liberté et je me méfie de certaines formes d’autorité, pourtant je ne me reconnais dans aucun des axes, politique et épistémologique, issus des Lumières.
Je crois à l’individu mais pas sans conditions ; je crois que l’individu est aussi et toujours social ; je crois qu’il est important qu’il y ait une puissance publique ; je crois qu’aujourd’hui la force et l’hégémonie de la loi du marché sur l’ensemble de nos vies nécessite plus de puissance publique, et pas moins. Je crois que les libertariens devraient s’apercevoir que le risque d’une autorité hétéronome est plus dans la sphère privée que dans la sphère publique, et que donc il faudrait aussi reconnaître que la phrase de Reagan pourrait aujourd’hui tout aussi bien être « Le marché n’est pas la solution, c’est le problème ».
Je crois aux technologies, au calcul et à la science, mais je sais aussi que notre cerveau n’est pas qu’une machine à calculer isolée. Je sais qu’il y a en nous une part d’incalculable. Je crois qu’il y a un « cerveau-social », que l’individuation est toujours à la fois psychique (celle d’un individu) ET sociale. Je crois que tout n’est pas programmé dans les gènes. Je crois qu’on ne peut pas tout apprendre via des MOOC et qu’il est nécessaire de s’en remettre à l’autorité d’un maître pour apprendre.
Bref, je crois que la politique et l’épistémologie sont toujours de circonstance – localisées et socialisées. Je crois que copier/coller le discours des Lumières dans notre contexte actuel n’est pas la bonne approche car la donne a changée. Je crois qu’il faut une nouvelle puisssance publique et non pas une liquidation de la puissance publique, je crois qu’il faut une politique du numérique qui soit responsable et non une logique de barbares disrupteurs qui vantent la « destruction créatrice » quand elle prend souvent le visage d’une simple destruction destructrice.
Désolé, double contresens sur les lumières, du moins à mon avis.
1) La liberté est ontologique, issue des conceptions intellectualistes de l’homme à l’image de Dieu et donc libéré des autorités intermédiaires. Cette liberté est celle de Dieu et certainement pas celle d’un être « sans références ».
2) Le cerveau ne peut pas calculer le monde ou la société qui sont trop complexes. C’est précisément le propre des lumières que de l’avoir conceptualisé, le marché étant PRECISEMENT le fameux « ordinateur » que l’on ne pourra jamais construire.
Ces deux conceptions majeures, qui s’identifient à la civilisation occidentale, sont battues en brèche par des désespérés, qui veulent à nouveau, et après l’échec du communisme, renoncer à la liberté fondamentale de l’individu et se remettre entre les mains soit disant intelligentes de la tyrannie. Vous êtes mon ennemi.
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ainsi donc on refuse la discussion:
a) la liberté conçue comme comme à l’image de Dieu, donc absolue, et irréductible à aucune intelligence supérieure.
b) la liberté conçue comme non calculable, donc laissée au marché, le seul ordinateur qu’on ne programme pas.
Cela fait beaucoup: vous n’aviez vraiment pas compris cela ?
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J’ai bien aimé votre article qui fait réfléchir.
Je pense qu’il a effectivement une part en nous de « cerveau social ».
Nous avons également besoin de « maitres », le problème étant de savoir à temps que celui choisit n’est pas le bon et qu’il va à l’encontre de nos penséees pures.
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Bravo Christian, très inspirant ! Merci à vous, bonne journée !
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