Shots that changed my life (39)
Farrebique, France, 1946, réalisé par Georges Rouquier.
Dans les extraits de film que j’ai choisi de présenter depuis maintenant plusieurs années, il y a avait l’idée –véhiculée par le titre lui-même – qu’il fallait extraire une scène d’une oeuvre cinématographique.
Quand je réfléchissais aux films qui m’avaient marqué, c’était des scènes de film qui m’apparaissaient en premier. Je présentais alors l’extrait ou le passage dont j’avais mémoire (parfois j’avais du mal car j’ai toujours remarqué une distance entre ce que j’avais en mémoire et ce que je redécouvrais avec mes yeux).
Pourtant il m’arrive de penser à des films sans qu’aucune scène en particulier ne s’impose. Comment un film peut-il rester en mémoire sans que l’on puisse citer un moment précis ? On est ici dans la situation opposé à celle qui nous est offerte par Hitchcock avec ses plans mémorables : l’avion, le ciseau, la douche, etc. Ses films se prêtent merveilleusement bien à la découpe et s’inscrivent plans par plans dans nos mémoires.
Il y a donc de nombreux films auxquels j’ai songé afin de les présenter dans cette série « Shots that changed my life » (initiée par Claude Leberre) pour lesquels je n’ai pas trouvé de scène.
La question s’est posée une première fois avec toute son urgence pour les films de Jacques Rozier ; il était évident qu’il fallait que je mette du Rozier dans cette série, mais quel film ? et quel extrait ? Je revoyais tous les films, tel un chasseur, à l’affut de la moindre scène que j’aurais pu sélectionner … mais rien. Le film était toujours aussi merveilleux mais je le finissais bredouille, comme un beau voyage dont on ne rapporte pourtant rien.
Il se trouve que j’ai réussi à trouver la scène qui pouvait représenter à elle seule le cinéma de Rozier (certes un peu longue mais Rozier étire et dilate le temps), mais ce fut très dur et me pris beaucoup de temps. Aussi, je ne suis pas sûr qu’il y ait des films qui nous ont marqué qui n’ont pas cette scène-clé (comme on dit un « mot-clé » pour cataloguer) qui nous sert d’index dans notre mémoire. En tout cas, si elle existe, elle n’est pas en évidence, elle travaille dans l’ombre.
En général, ce sont des films de la quotidienneté, des films qui nous montrent la banalité. Ces films dont on dit « il n’y a pas d’histoire mais c’est génial, on ne s’ennuie pas une seconde ».
Farrebique faisait partie de ces films pour lesquels je n’avais pas une scène en particulier à mettre en avant et à extraire. Puis je suis tombé sur un montage qui prenait le début et la fin, le tout en moins de 2 mins. C’était parfait, une parenthèse qui s’ouvre et se referme, maintenant à vous de vous glisser dans l’ouverture en allant voir le film.
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Ce film documentaire a eu le grand prix international de la critique à Cannes en 1946.
C’est une oeuvre anthropologique et ethnologique. Une famille du Rouergue joue des scènes de la vie quotidienne durant une année (on n’oublie souvent que ce film avait un sous-titre : Les quatres saisons)
L’écriture ancienne des grecs avait les Travaux et les Jours d’Hésiode, le cinéma de l’après guerre nous a donné Farrebique.
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