Wendel ou l’impuissance de l’investissement français
Lu sous la plume de Michel Abescat, dans le Telerama de cette semaine, les propos tenus par les patrons de Wendel il y a quatre ans en rachetant le groupe Editis (deuxième groupe d’édition français après Hachette).
On commence par Ernest Antoine Seillière qui disait :
« Nous sommes pour longtemps dans un métier dans lequel on s’installe pour conduire une politique de leader ».
On poursuit par Jean Bernard Lafonta qui précisait que :
« … contrairement aux fonds financiers, nous ne sommes pas obligés de revendre au bout de cinq ans, nous raisonnons sur un horizon de dix à quinze ans, mieux adapté aux contraintes du métier d’Edits »
On connait la suite : il n’a fallu que quatre ans à Wendel pour revendre Editis à l’espagnol Planeta, en faisant une plus value de 365 Millions d’Euros.
Que des investisseurs fassent des profits est une chose, mais que les patrons de ces sociétés d’investissement fassent preuve d’un tel manque de vergogne dans leur propos est pour le moins surprenant (surtout si l’on est salarié d’Editis).
Mais, contrairement à l’émotion que l’on peut ressentir en lisant les précédents propos, ce n’est pas les fanfaronnades de ces patrons de sociétés d’investissement qui me choquent, car rien n’indique qu’ils n’étaient pas de bonne foi en 2004.
Non, ce qui me choque c’est que Wendel Investissement n’a, en la matière, fait aucun investissement, contrairement à ce que laisserait croire son nom. Tout juste ont-ils fait un placement très rentable sur quatre ans.
On aurait en effet pu croire que l’investissement initial dans Editis était là pour faire passer à un grand groupe d’édition la barrière du numérique. Que nenni, face aux enjeu de l’innovation, Wendel, ce Don Quichotte de l’investissement, a préféré s’éclipser.
Malheureusement rien de nouveau dans ce comportement de Wendel. A croire que le gène de l’innovation n’existe pas dans cette vénérable famille. Il n’y a qu’a se souvenir que les Wendel, dans la souche « maître des forges » de leur dysnastie, avaient maintenu une situation de rente en faisant pression sur le gouvernement français pour qu’il taxe l’acier anglais devenu moins cher et de meilleure qualité grâce à l’innovation technique de Bessemer (Cf. Bertrand Gille). Cela a enrichi les maîtres de forges lorrains, mais fait prendre du retard à l’industrie française d’une manière générale.
Wendel assumera-t-elle cette image « d’impuissance de l’investissement français », elle qui voulait donner une certaine image du « capitalisme à la française » ?
Quoiqu’il en soit, je ne peux m’empêcher d’être d’être inquiet pour Saint Gobain, un de nos fleurons de l’innovation technologique, depuis que Wendel est entré avec fracas dans son capital en Septembre 2007 (aujourd’hui à plus de 20 %).
by Christian Fauré » Blog Archive » Ceci n’est pas un compte rendu du BookCamp du 14 Mai 2008
[…] le coche de la révolution industrielle en France en préservant leur rente de situation (cf. Wendel ou l’impuissance de l’investissement français), ne laissons pas Breton & Friends nous faire manquer le rendez-vous avec une prochaine […]
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