A propos de « La fabrique de l’homme endetté », de Maurizio Lazzarato

Avec La Fabrique de l’homme endetté, Maurizio Lazzarato cherche à qualifier le lieu le plus opportun à partir duquel la lutte des classes se joue et s’articule de la manière la plus actuelle.

La superbe illustration de couverture est de C. K. Wilde

A partir du texte Nietzschéen de la deuxième dissertation de la Généalogie de la Morale, Lazzarato caractérise l’épopée humaine depuis la diffusion du christianisme comme étant celle de la fabrique de l’homme endetté. Il faut, nous dit-il, oublier les oppositions patron/ouvrier, maître/esclave, capitalisme financier/capitalisme industriel, etc. et ouvrir les yeux sur les mécanismes de domination qui s’exercent actuellement de manière débridée. more »

Morceaux choisis de la séance publique Ars Industrialis avec Paul Jorion

Quatre vidéos choisies de la rencontre au théâtre de la colline du 10 Décembre 2011 :

 

Vous pouvez visionner l’ensemble des vidéos et de la séance sur le site de Paul Jorion ou sur celui d’Ars Industrialis.

Le travail en perruque à l’heure du numérique

En m’appuyant sur les travaux de Michel Anteby et de Michel de Certeau, je vais tenter de montrer que l’évolution des pratiques de la « perruque », notamment dans le contexte numérique, peut donner de précieuses informations sur l’émergence d’une économie de la contribution.

Le travail en perruque

Outre le pastiche du coiffeur que désigne le plus couramment le terme de perruque, le mot désigne également une forme de détournement dans l’utilisation des biens ou de l’outil de production de l’entreprise.

La perruque peut être définie comme :

“L’utilisation de matériaux et d’outils par un travailleur sur le lieu de l’entreprise, pendant le temps de travail, dans but de fabriquer ou de transformer un objet en dehors de la production de l’entreprise” (R. Kosmann, La pérruque où le travail masqué. Renault, Histoire 11(juin), Société d’histoire du groupe Renault, Boulogne Billancourt, 20-27)
Il existe de nombreuses variantes du terme de “perruque” : “bricoles”, “pinailles”,  “bousilles”, “pendilles” en France ; “homers”, “government job” aux États-Unis ; “fidding” ou “pilfering” en Angleterre (Michel Anteby, La “perruque” en usine : approche d’une pratique marginale, illégale et fuyante (PDF). Revue Sociologie du travail, 2003, vol. 45, no 4 pp. 455-456).

Du vol caractérisé aux petits arrangements sans conséquences, il y a toute une palette de formes de travail en perruque dont les contours sont fuyants, l’activité étant d’ailleurs comparée à du braconnage. Mais la qualification qui revient le plus souvent pour caractériser le travail en perruque est celui de “détournement”. more »

Ce n’est pas qu’une histoire de données

Les questions relatives à l’ouverture des données sont importantes. Pourtant ce n’est pas là le plus important car, si c’est nécessaire, ce n’est peut-être pas suffisant.

Il faut souligner que l’enjeu, au travers de l’ouverture des données, qu’elles soient d’origine publique (institutions et puissance publique) ou privée (organisations et entreprises), l’enjeu, disais-je, n’est pas tant d’exposer ses données mais plutôt son métier, parfois même son coeur d’activité.

Exposer ses données sans saisir que l’enjeu est d’exposer son activité, c’est ne pas comprendre qu’il s’agit de passer d’une logique dissociée à une logique associée et donc d’embrasser les opportunités des technologies relationnelles. On peut, par exemple, exposer ses données et continuer à travailler comme si de rien n’était, comme avant. Cela serait fort dommage, et je suis convaincu qu’il faut un peu plus que çà. more »

Quelle filière industrielle pour la numérisation du patrimoine ?

Le contexte de la consultation sur le Grand Emprunt

La cacophonie et la mécompéhension autour du grand emprunt, et plus précisément sur le volet numérisation, font qu’on est actuellement dans une situation de crise, au sens propre du terme : quelque chose va se décider.

Au départ, c’étaient 150 millions qui devaient être alloués aux institutions pour qu’elles puisse poursuivre et accélérer les projets de numérisation ; au final ce ne sont plus que des montants de prêts (donc remboursable avec intérêts) pour favoriser la mise en place d’une filière industrielle du numérique, basée sur des partenariats publics/privés.

On sait que l’actualité de la crise économique de ces derniers mois a certainement beaucoup favorisé la formulation très libérale de la consultation publique (le développement du « machin numérique ») lancée par le secrétariat de la prospective et du développement de l’économie numérique. De plus, dans le cadre d’une période d’austérité et de restrictions budgétaires importantes dans les dépenses de l’état, le grand emprunt devient un dossier beaucoup particulièrement épineux pour le gouvernement : difficile de dire « on fait les valises et on rentre » après avoir fait de la relance par l’innovation un axe important de la stratégie française.

Deux tentations s’opposent donc entre celle du ministère de la culture et celle du ministère des finances : le premier veut continuer à croire à la nécessité d’une politique culturelle tandis que le second tente de radicaliser les choix qui devront être faits sur la base exclusive du principe de rentabilité. Il n’y a donc plus de consensus au sein même du gouvernement sur l’avenir du grand emprunt, et les différentes institutions qui doivent participer à la solution (BnF, Bibliothèques Municipales, INA, IRCAM, Cinémathèque, Cité des Sciences, Archives, Musées, etc.) ne comprennent plus la règle du jeu, qui semble par ailleurs changer chaque jour en ce moment.

La vision qui est présentée ici est une tentative de réponse à la consultation publique sur le volet numérique. Elle a l’ambition de sortir par le haut des apories dans lesquelles la question de la numérisation du patrimoine dans le cadre du grand emprunt se retrouve aujourd’hui.
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Grand emprunt : développement du « machin numérique »

La semaine dernière, le « secrétariat d’état chargé de la prospective et de l’économie numérique » a publié une consultation publique qui s’inscrit dans le cadre du grand emprunt, décidé par le président de la république. Il s’agit d’une consultation qui s’adresse à tout le monde (on peut télécharger la consultation sur le site ministériel de la prospective), et même le simple citoyen peut y répondre.

Maintenant que l’état a annoncé qu’il souhaitait investir plusieurs milliards sur l’économie numérique, ne reste donc plus qu’à connaître les modalités de cet investissement. On sait qu’environ 75% des budgets investis par l’état le seront sous forme de prêts (remboursement avec intérêt à la clé) et 25% sous forme d’avance remboursable ou de subvention. De plus, les structures de partenariat public-privé sont de mise pour constituer des « filières industrielles » dans l’économie du numérique.

Filières industrielles, grand emprunt, partenariats public-privé, modèles d’affaire à inventer, structures juridiques et montages financier à imaginer, etc. Si certains pensaient que le grand emprunt serait simple, je crois qu’ils vont être douchés. On a à faire à ce que De Gaulle appelait un « machin » (expression qui aurait été utilisé en septembre 1960 à propos de l’ONU), un « machin numérique » en l’occurrence.
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16 Mai 2010, 10:55
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La vérité sur l’assassinat de JFK ?

La séance d’Ars Industrialis d’hier m’a appris quelque chose de surprenant.

Selon Patrick Viveret, JFK aurait été assassiné car il avait commencé à toucher au mécanisme de fabrication de la monnaie. Son administration avait en effet commencé à introduire la possibilité pour le gouvernement, via le fameux ordre exécutif 11110, de produire de la monnaie, ce qui allait à terme priver la FED de sa prérogative de prêter de l’argent avec intérêt au gouvernement (la FED n’est pas un organisme public, c’est un regroupement privé de banques).

Dans ce scénario, son Vice Président Lyndon B.Johnson, n’était sûrement pas innocent. Lui qui, alors qu’il prêtait serment dans l’avion, s’empressa de remettre les choses dans l’ordre avant même que l’avion n’atterrisse.

Viveret rappelle également que Lincoln fut assassiné pour les même raisons, à cause de sa volonté de maîtriser la création de la monnaie.

Fabrication de la monnaie : « Touche pas au grisbi ! »

30 Avr 2010, 3:34
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La réalité du marché immobilier en France

Alors qu’on entend depuis quelques mois que le marché immobilier reprend et que le montant des transactions moyennes seraient revenu, à quelques pour-cents près, à son niveau d’il y a deux ans, il est particulièrement intéressant d’entendre Henry Buzy-Cazaux, président de l’École Supérieure des Professions Immobilières, tenir un discours beaucoup plus critique et qui relève moins du « speech act » et de la parole propagandiste à laquelle nous ont habitué les professionnels de l’immobilier.

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L’Économie sociale comme moteur de l’économie politique

C’est en 1615, nous rappelle Charles Gide dans ses Principes d’économie politique (téléchargeable), que le terme d’économie politique est apparu dans l’ouvrage français « Traité d’économie politique » d’Antoine de Montchrétien. Le terme d’économie existait déjà mais, en Grèce ancienne, l’économie désignait avant tout l’économie domestique (oikos : maison/foyer et nomos : loi) en opposition à la politique qui traitait de la chose publique. Il faudra donc attendre presque deux mille ans pour que l’expression d’économie politique se forge en dénotant une forme d’antinomisme avec sa racine grecque puisque l’oikos ne désigne plus le foyer de la famille mais la nation toute entière.
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30 Mar 2010, 12:22
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La chaîne du livre en France

Pour le profane que je suis et qui entend souvent parler de la chaîne du livre, j’ai eu du mal à visualiser quels étaient les acteurs et leurs relations.

Alors, grâce à quelques personnes de la BnF, ainsi qu’à Alain Pierrot qui m’a donné de précieuses premières informations, j’ai commencé à faire un petit schéma que voici (cliquez dessus pour agrandir) :

La chaîne du livre en France

Je n’ai pas mis tous les acteurs et toutes les relations car çà devenait rapidement un plat de spaghetti qui contenait certainement trop d’erreurs.  Alors je pars d’une version la plus légère possible car il a vocation à être enrichi, modifié et corrigé en fonction de vos commentaires.

Si çà se complexifie trop, je pense faire plusieurs schémas selon la nature des flux : financiers, contractuels, logistiques ou informationnels. Mais si vous avez d’autres idées de représentation faites-le savoir.

[Update] C’est un peu hors sujet, mais comme la question revient souvent, la répartition du Chiffre d’Affaire dans cette chaîne du livre « papier » est à peu près la suivante (source PDF):

  • Auteur : 7,5 %
  • Editeur : 14,2 %
  • Pub-Promo : 3,8 %
  • Imprimeur : 17 %
  • Diffuseur : 8,5 %
  • Distributeur : 10,5 %
  • Points de vente : 33%
  • TVA : 5,5 %