Proposition pour une nouvelle forme de capitalisme

On dit le capitalisme au bord de l’asphyxie, au seuil d’une catastrophe.

Je propose une nouvelle forme de capitalisme reposant sur le principe suivant :
Faire que les investisseurs et les clients ne soient plus ni dissociés, ni opposés.

Dans ce nouveau modèle, les clients sont de facto des investisseurs, et les investisseurs de facto des clients.
Si l’opposition entre producteur et consommateurs est, in fine, une opposition entre investisseurs et consommateurs, dans cette nouvelle forme de capitalisme, l’investisseur et le consommateur sont le même.

Je prends un exemple :

Supposons que je sois le client, et Apple la société. Dans ce nouveau paradigme, je n’achèterai plus les produits d’Apple, mais des actions. En tant qu’actionnaire, je n’aurai plus à acheter les produits de cette société, ils me seront offert sous forme unitaire, ainsi qu’à tout investisseur.

Là, vous vous dites certainement que cela ne peut pas marcher : car comment un industriel pourrait s’en sortir s’il se doit d’offrir ses produits ?

Il faut donc introduire une première distinction : la société devra proposer des catégories d’actions correspondantes à ses catégories de produits. On aura ainsi autant de types d’actions que de produits proposés par la société. Dans l’exemple d’Apple, si j’achète une action de catégorie « Mac Book Pro », j’aurai droit à ce produit mais pas aux autres produits que propose la société.

Dans ce schéma, le capitalisme purement spéculatif n’est plus viable. Il faut que l’utilité induite par le produit, ou le désir qu’il suscite, soient parties intégrantes de l’investissement en actions, sans quoi l’investissement risque de se faire à perte. L’investisseur heureux sera celui qui verra le cours de son action monter tout en jouissant de la pleine possession du produit correspondant.

Le nombre d’actions par produit est déterminé par le nombre de produits disponibles. Cela veut dire que seules les industries du numérique disposent d’un nombre d’actions total potentiellement infini.

Avec ce nouveau paradigme, le prix général des produits devrait mécaniquement baisser, stimulant ainsi la consommation.

Dans le cas de l’exemple où je suis un actionnaire d’Apple ; j’ai acheté une action Mac Book Pro à 1 000 €, je deviens donc possesseur de ce produit. Si Apple met un million d’actions sur le marché, cela implique qu’elle est en mesure de fournir un million d’unités de ce produit.
Si la demande pour ce produit augmente, les actions grimpent.

Deux possibilités s’offrent à moi :

  • Je décide de revendre mon action pour faire des bénéfices.

Dans ce cas je garde mon produit, dont je suis le propriétaire légal depuis l’achat de l’action correspondante. Je remets mon action sur le marché où elle est cotée 1 200 €. Je viens donc de réaliser un bénéfice (en prix constant) de 200 €, auquel il faut ajouter le droit de jouir du produit que je garde, mais que je peux aussi désirer revendre directement (sur eBay par exemple), sans passer par le marché des actions

  • Je décide de revendre mon produit mais de garder l’action.

Aucun problème, je passe mon annonce de vente sur eBay et je garde l’action, mais sans maintenir mon droit de propriété sur le produit. On retombe alors sur un schéma classique d’investissement spéculatif (mais qui n’a pu être possible qu’en passant par l’acquisition du produit correspondant à l’action).

La personne qui, dans le premier cas, avait racheté mon action à 1 200 €, se verra offrir le produit correspondant neuf.

***

Basculons maintenant dans une industrie de services basée sur les supports numériques, disons Google. La particularité de ce type d’industrie, comme évoqué précédemment, est qu’elle peut offrir ses services à un nombre théoriquement infini de clients, ou en tout cas significativement supérieur à des industries produisant des artefacts.
Dans ce cas, le nombre d’actions sur le marché ne dépend plus de la capacité de production de la société, mais d’un choix stratégique.

Dans ce schéma, un micro capitalisme vertueux peut s’instaurer. Vertueux car :

  • les clients sont les premiers vecteurs dans l’augmentation de la demande (qu’ils soient contents ou pas de leur produit/service n’influe pas différemment).
  • l’investissement n’est rentable que si l’usage et la pratique du produit apporte une satisfaction à l’investisseur, un investisseur uniquement spéculatif trouvera le ticket d’entrée trop important et l’opération non rentable.

Le prix de l’action des produits de grande consommation sera très faible, alors que celui des produits de niche sera très haut.

Prenons un autre exemple avec l’industrie de la musique :

J’achète une action du dernier single de johnny Hallyday, intitulé « Optic 5000! », j’ai le droit d’écouter ce titre autant de fois que je le souhaite, dans tous les formats et supports que je souhaite. J’ai aussi le droit de le faire écouter à qui je veux, et même de le donner, sous n’importe quel support, à qui je veux.

Mais c’est idiot, serait-on tenté de de dire. Comment l’industrie de la musique pourrait-elle survivre avec ce mode de fonctionnement ? Je répondrai en deux temps :

  • tout d’abord l’industrie de la musique ne serait pas exactement celle qu’elle est aujourd’hui, de nombreux artistes constitueraient une micro entreprise à eux seuls, sans passer par les majors.
  • ensuite parce que chaque investisseur n’aurait pas naturellement tendance à donner la chanson dont il est actionnaire, sous peine de voir le cours de l’action correspondante s’effondrer. Donner un morceau à quelqu’un serait tout à fait légal, mais ce don se ferait au détriment des intérêts financiers du donateur lui-même.

Si le single est un tube, je peux faire des bénéfices qui, sans être exceptionnels sur ce type de produit, peuvent toutefois me permettre d’acheter plusieurs autres morceaux sans frais supplémentaires. Le mélomane et l’amateur voient ainsi la possibilité :

  • d’influer sur la qualité de la production musicale, en devant les principaux investisseurs.
  • de constituer légalement une collection de chanson à un très faible coût.

Si je revends mon action, je continue à pouvoir à la fois écouter la chanson, mais aussi à la diffuser.

Bien évidemment, je ne dis pas qu’il faudrait que toutes les sociétés soient côtés selon cette nouvelle forme de capitalisme. Pour une entreprise qui démarre par exemple, on peut penser que les premiers investisseurs ne seront pas les clients car les produits ou services n’existent pas encore.
Je dis que cette approche peut aider certaines industries à sortir de la crise, d’autres à émerger, et tout cela en cohérence avec une montée en puissance de l’amateurisme.

Cette démarche capitalistique est d’ailleurs en forte adéquation avec le milieu associé qui se met en place au travers des blogs et des réseaux sociaux. Car chacun pourra concilier son amateurisme en adéquation avec ses intérêts financiers. Le bon investisseur est aussi un amateur de qualité dans ce schéma.

Epilogue :
Il y a bien sûr un long chemin à parcourir entre cette idée sur le « papier » et sa mise en oeuvre. De plus, n’étant pas économiste de formation, il doit y avoir une part de naïveté – revendiquée – dans ces quelques lignes.
Mais que l’on retienne l’idée de ne pas dissocier le client de l’investisseur, voilà un point sur lequel, je crois, on ne pourra pas faire l’économie si la notion de capitalisme durable tend à devenir une réalité.

25 Sep 2011, 4:50
by Michel Conac

reply

Bonjour,

OK totu cela est « beau » sur le papier mais quid des produits et services vendus par des PME locales voire d’envergure seulement nationale??

à vous lire, cordialement.

Michel Conac

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