Nous sommes tous des idiots

Nous sommes tous des idiots. Non seulement dans nos particularismes, puisque idiot est dérivé d’un terme grec signifiant le particulier par opposition au magistrat, mais aussi dans notre retard structurel face à la technique.
On dit souvent que la technique nous dépasse, que tout va très vite. Ainsi quand les américains et les russes ont signé des accords de désarmement pendant la guerre froide, ce n’était pas tant pour réduire le nombre de têtes nucléaires que pour garder la maîtrise de leur déclenchement. En effet la puissance de calcul était devenue telle que la machine pouvait s’emballer et se déclencher en l’absence de toute décision humaine, celle-ci étant à la traîne, lente.

Non seulement la technique va très vite mais il faudrait même ajouter qu’elle ne cesse de nous devancer. Parce que la technique est ce qui est toujours le déjà-là, ce avec quoi il faut composer, nous sommes toujours en retard, tels des idiots.

Je me souviens d’une des première fois ou je me suis senti idiot en ce sens. A l’arrière d’une voiture en marche, je regardais la circulation d’un échangeur routier près duquel nous passions, au loin une centrale nucléaire crachait ses nuages de vapeurs. C’est alors que j’eus cette pensée : si tous ceux qui construisent et font marcher ces machines et ces techniques (voitures, centrales nucléaires, mais aussi chaussures, vêtements, etc), si tous ceux là venaient à disparaître, comment ferions-nous ? Comment ferais-je ?

Chaque nouvelle génération est plus idiote que la précédente, elle doit faire face à ce que nous lui léguons. Ce que nous lui léguons, ce sont des organes qui ne sont pas les siens mais qu’elle devra pourtant appréhender pour que la greffe prenne. S’humaniser, c’est aussi aller à la rencontre d’une mémoire qui n’est pas la notre mais qui est là, dans la pénombre des grottes de Lascaux, dans le papyrus découvert au fond de quelque amphore, dans tel ou tel livre, sur une pellicule, sur une disquette,
L’idiot est naïf et ignorant, mais c’est aussi depuis cette naïveté et cette ignorance que l’étonnement, matrice de la connaissance, peut advenir.

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