Cosmologie et Cloud Computing

Dans deux récents billets (Falsehoods programmers believe about time et More falsehoods programmers believe about time; “wisdom of the crowd” editionNoah Sussman donne une liste d’erreurs communes faites par les informaticiens dans la manière dont ils représentent et manipulent le temps.

Force est de constater qu’il y a eu une certaine naïveté dans la manière de concevoir le temps. Naïveté aussi bien dans la conception du temps que dans l’estimation de l’impact de certains choix de conception :

  • Dans la conception du temps avec une modélisation mathématique : années, mois, jours, heures, minutes, secondes, , en ajoutant des règles simples pour passer des secondes au minutes, des mois aux années, etc. Les exceptions deviendront des bugs qui eux-mêmes feront l’objet de corrections.
  • Dans l’anticipation de l’impact de certains choix : le bug de l’an 2000 parce que les concepteurs n’avait pas pensé que certains choix, et donc certains arbitrages de contraintes, n’auraient pas d’incidence dans quelques décennies, alors à quoi bon réserver 4 chiffres pour écrire des années ? Même si ce n’est pas dans le domaine de la représentation du temps, on retrouve le même manque d’anticipation pour la conception d’IPv4 ; mais qui aurait cru que nous manquerions d’adresses IP 30 ans plus tard ?

Cette gestion du temps dans les systèmes numériques est source de nombreux bugs. Ainsi la petite seconde que nous avons grappillée le week-end dernier pour l’ajouter au temps universel a eu des impacts sur le fonctionnement de systèmes d’exploitation et de langages de programmation utilisés par des plateforme de Cloud Computing ( « Une seconde ajoutée au temps universel fait « planter » Mozilla et LinkedIn » titre BigBrowser).

Les paradigmes numériques sont fortement ancrés dans une perspective atemporelle qui induit une modélisation a posteriori et mathématique de la mesure du temps (comme si l’on chercher à modéliser sans fin un défaut d’origine). Or nous vivons — même si c’est désormais avec le numérique — dans un temps culturel et cosmique.

Mais cette conception naïve  et mathématique du temps, qui permet de passer des secondes aux minutes puis aux heures, jours, mois et années, etc., est elle même héritée d’une période pré-numérique dans la manière de représenter et de mesurer le temps. Cette façon de faire se corrigeait arbitrairement par des réajustements afin que la mesure du temps ne souffre pas d’un trop grand désajustement avec les alignements cosmiques et la trajectoires des astres. Ces recettes perdurent et doivent continuer à être appliquées sous peine de décrocher de la synchronisation mondialisée des horloges et de la fréquence de notre réseau numérique. D’où la liste des erreurs et mécompréhensions, établie par Noah Sussman, qui nourrissent les bugs d’aujourd’hui et de demain.

In fine il faut toujours s’incliner devant le temps cosmologique, et les nuages du Cloud Computing— amenés à gérer la temporalité à un degré d’exposition sans précédent — ne font pas exception. Quelques éclairs sont à prévoir

À ajouter peut-être, que c’est peut-être une question de flexibilité.

* les systèmes trop optimisés à l’avance (En tentant de tout prévoir, on règle des problèmes du futur qui n’auront pas d’impact dans le courant mais dont le coût sera un empêchement pour le développement du maintenant)
* les systèmes trop fermés (date en dur dans le code) qui vont créer un coût non négligeable dans le futur.

Il faut peut-être penser à créer des systèmes qui sont suceptibles d’échouer dans le futur, mais dont les parties appelées à échouer soient faciles à corriger, réparer.

[Reply]

C’est sûr que s’il fallait créer un modèle de toutes les exceptions de la liste de Noah Sussman avant de commencer à coder il n’y aurait pas de plaisir 🙂

[Reply]

3 Juil 2012, 8:49
by Sarro Philippe

reply

Un des papes de la contre culture, des hippies et de la cyberculture Stewart Brand , celui là même qui a inventé le terme de personal computer, auteur du célèbre Whole Earth Catalog, a aussi inventé « l’horloge du long maintenant ». Il dirige une fondation (avec Danny Hillis créateur du calculateur le plus rapide au monde) portant ce nom et vient de sortir un livre portant ce titre. Il est un critique de la fameuse « singularité » chère à Ray Kurzweil autrement appelée  » l’accélération accélérante  ».

Il me semble aussi qu’il avait proposé dans les années 70 d’écrire les dates sur 5 chiffres et non sur 4, par ex 01984 au lieu de 1984 ce qui rapproche psychologiquement 2 dates (01984 semble plus proche de 01000 que 1984 et 1000).
Voir l’article ci-dessous:
http://www.lesinrocks.com/2012/04/08/livres/lhorloge-du-long-maintenant-une-experience-ovni-par-le-gourou-de-la-contre-culture-americaine-11245860/

Extrait de l’article:
« “Alimentée par le changement des températures saisonnières, elle avance d’un cran par an, sonne une fois par siècle, et le coucou en sort une fois par millénaire”, détaille Stewart Brand.

Une telle horloge incarnerait aux yeux de l’humanité “le temps dans toute sa profondeur” et deviendrait, selon l’auteur, un “monument charismatique qu’on pourrait visiter, un sujet de réflexion, un symbole du débat public qui recadre les modes de pensée.” “C’est donc un mécanisme et un mythe”, précise Brand, qui confère à cet objet paradoxal (une horloge pour se libérer du temps qui passe, quand sa fonction consiste au contraire à faire résonner son existence, seconde par seconde) une vertu existentielle et politique. “Comment rendre la pensée à long terme instinctive et commune, plutôt que difficile et rare ? Comment rendre inévitable la prise de responsabilité à long terme ?”

Le problème de l’accélération technologique est que “son urgence effrénée bouscule systématiquement tout ce qui compte à long terme”, avance Brand. »

Un autre article paru dans Futura parle aussi de ce projet:
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/physique-1/d/lhorloge-du-long-maintenant-donnera-lheure-pendant-10000-ans_35433/

[Reply]

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.