Le dévoilement des mamelles
Mais pourquoi donc retrouve-t-on une femme aux seins dévoilés au milieu de cette scène de bataille que peint Delacroix avec sa “Liberté guidant le peuple” ?
On pourrait dire, presque pour l’excuser, qu’elle a d’autres chats à fouetter en ce moment où elle guide le peuple sur les barricades. On pourrait également également dire que ce n’est pas la liberté qui guide le peuple mais la beauté de ses seins qui conduit le troupeau. On pourrait enfin dire que ce dévoilement n’est là que pour attirer l’attention de celui qui regarde le tableau, etc.
Toujours est-il que cette figure de la femme aux seins dévoilés au milieu d’une foule est un symbole fort. Pas une manifestation, de woodstock à la dernière manifestation des étudiants, sans que les photographes ne soient à l’affût de la jeune femme au dessus de la mêlée avec un sein à l’air.
D’où cela vient-il ?
Il y a peut-être un début de réponse dans le XII° des Petits traités de Pascal Quignard.
En 90, Tacite, qui était lors légat en Germanie et découvrait les coutumes locales, notamment les pratiques guerrières, nota la chose suivante :
“ On raconte que les lignes de bataille qui pliaient déjà et qui perdaient pied furent rétablies par des femmes : elles priaient les combattants en dénudant leurs seins et en signifiant la captivité toute proche.” Petits Traités I, ed. Folio, p. 222
Voilà donc le fin mot de cette mise en scène qui nous proviendrait des pratiques guerrières germaniques ; les femmes, en dévoilant leurs mamelles (objectus pectorum, précise Quignard), montraient aux hommes dont le courage chancelait tout ce qu’ils allaient perdre.
Une variante plus ancienne existe et elle est raportée par Trogue Pompée à propos de la guerre des Mèdes d’Astyage contre les Perses de Cyrus au moment où les Perses commençaient à céder :
“Les mères et les femmes des perses accourent à eux ; elles les prient de retourner au combat. Les voyants hésiter, elles rebroussent leurs robes, tendent vers eux leurs parties obscènes en leur demandant s’ils veulent se réfugier dans l’utérus de leur mères ou de leurs épouses”. ibid. P. 226
J’ai apprécié.
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