24 Juil 2010, 12:09
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American metamorphosis

Une récente affaire d’espionnage entre les US et la Russie a été très médiatisé : dix agents russes vivants sous une double identité sur le territoire américainont  été démasqué par le FBI. Ce qui en un temps eut été un signe de haute tension internationale, comme le soulignait récemment François Noudelmann dans Macadam Philo du 23 Juillet 2010, est devenu une comédie médiatique.

Pas grand chose en effet à se mettre sous la dent en matière d’espionnage, car ce qui  a été reproché à la dizaine de personnes, qui ont plaidé coupable, était d’avoir une double identité, sans qu’aucun délit manifeste d’espionnage ne leur soit vraiment reproché. La fameuse “Anna Chapman” remporte le pompon , sa présence active dans Facebook et quelques photos aguicheuses font passer l’histoire d’espionnage pour une comédie hollywoodienne.

Mais, au-delà de la tournure qu’a pris cette histoire, pourquoi le FBI a-t-il lui-même médiatisé cette affaire ? On pense bien sûr aux attentats du 11 Septembre et à la hantise américaine de l’espion dormant, qui peut se réveiller au moindre signal. En rendant publique l’affaire, l’administration américaine souhaitait certainement rassurer l’opinion américaine sur le fait qu’elle veillait activement à la sécurité du pays. Mais cette crainte d’avoir dans sa population des agents doubles n’est-elle pas toutefois surestimée ?

Il faut comprendre qu’il y a une spécificité américaine de « la double vie« . Le mythe américain du selfmade-man repose sur cette notion, sur cette possibilité de devenir autre : le pauvre peut devenir riche, l’inconnu célèbre, etc. Les US se comprennent d’ailleurs comme le pays où tout est possible, c’est-à-dire où chacun peut recommencer sa vie et avoir une nouvelle chance et se révéler d’une manière radicalement nouvelle.

Les super-héros américains sont également des visages de ce dédoublement et de la conception métamorphosique de l’existence américaine. Ces super-héros ont, pour la plupart, une double vie et une double identité : celle d’un américain moyen qui va pouvoir, dans des situations de crise, endosser une nouvelle identité, extraordinaire et supra-naturelle cette fois-ci.

Une part non négligeable du rêve américain repose sur cette idée que l’on peut devenir autre chose que ce que l’on est : même sans diplôme, sans références et sans argent, tout serait encore possible. L’Amérique doit entretenir cet espoir qui sert de régulateur social , car on ne peut être au fond du trou et dans la misère la plus totale, comme le sont des millions d’américains, sans avoir cet espoir qu’un jour, tout peu changer.

J’ai l’impression que cette vision n’est pas partagée en France : bien sûr, chacun de nous a une identité multiple, et le chemin d’une vie peut apporter des changements. Mais cette idée d’une double vie corrélée à celle d’une métamorphose spectaculaire n’est pas ancrée dans nos comportements. A nos yeux, la métamorphose est un leurre. Aussi, pour tenir le coup on préférera consommer des anxiolytiques à défaut de se prendre pour Superman.

J’aimerais apporter une réponse et une précision en forme de nuance à tes propos.

Concernant la vision française, il me semble que pour les Français, l’homme se construit dans ces études, c’est ce qui le constitue, le suit et le poursuit tout au long de sa vie. C’est un repère indélébile qui provoque un classement des personnes tout au long de leurs carrières. C’est pourquoi il est très difficile de changer en France, car la partie « Diplômes » d’un CV évolue rarement.

Concernant l’identité secrète dans la mythologie des super-héros américains, cette particularité a beaucoup évolué ces dernières années avec l’idée d’un enregistrement. Esquissé dans « The Watchmen » d’Alan Moore paru en 1985 puis sur un ton humoristique par le dessin animé « Les indestructibles » de Pixar en 2004, ce thème est au cœur d’une série de la Marvel impliquant l’ensemble des super héros intitulé « Civil War » paru entre 2006 et 2007 ( http://bit.ly/bMFqE6 ) dont je recommande la lecture tant elle est révélatrice de certains changements sociétaux des Etats-Unis.

On y voit en particulier l’influence du Patriot Act et les conséquences (l’acceptation ?) sur les pertes de liberté individuelle qu’il provoque (avec le vieux thème de la balance entre liberté et sécurité comme ciment politique et social cher à la philosophie politique, chez Hobbes, en particulier, si mes souvenirs de philo sont bons). Cette série narre l’affrontement de deux factions de super-héros de la Marvel autour de l’enregistrement auprès de l’Etat américain des super héros et donc la révélation de leur véritable identité.
Un des principaux intérêts de la série réside dans la personnalité des meneurs des deux factions : du côté des pro-enregistrement, Iron Man, alias Tony Stark, richissime capitaine d’industries, vendeur d’armes, dont les super pouvoirs ne sont que « mécaniques » et qui est rejoint, entre autres, par Richard Reed, un des 4 fantastiques, scientifique, du côté des anti-enregistrements, Captain America, alias Steve Rodgers, super militaire américain, symbole de la victoire américaine contre les différents totalitarismes, dont les supers pouvoirs sont le fruit d’un changement de son métabolisme suite à des expériences médicales. La machine contre le corps…
La guerre civile prend fin sur la capitulation de Captain America qui prend conscience que la bataille pour une certaine forme de liberté propre à une certaine vision des Etats-Unis est vaine et provoque la perte de vies humaines. Le cycle s’achève par la mort de Captain America tué en sauvant un policier l’escortant vers son jugement et l’avènement d’Iron Man à la tête du SHIELD, une sorte de super police américaine d’état composé de super héros (et super vilain !!).

Pour revenir à ton sujet, il me semble que cette affaire d’espionnage peut être lu aussi à la lumière de « Civil War ». Les Etats-Unis sont aujourd’hui prêts à sacrifier une part de liberté pour assurer leur sécurité et la transparence est vu comme un vecteur de sécurité.

Une dernière chose mérite d’être noté concernant « Civil War » : la figure du bien et du mal est évidemment remise en cause dans cette série, mais ce n’est pas une nouveauté dans la mythologie américaine, les séries télévisés creusent ce sillon depuis plusieurs années que ce soit avec Lost, Dexter, Soprano, Weeds… ou leur matrice : The Profit. Néanmoins, il se dégage une certaine idée du mal est incarné par la puissance financière et l’industrie qui la porte. Ainsi, au sein de Civil War, les parties consacrées à Wolverine le font poursuivre un financier qui subventionne des recherches en vu d’augmenter les pouvoirs des super-héros ou d’en donner aux communs des mortels. On y voit Wolverine évoluer entre les Iles Caïman et Wall street. Ne serait-ce pas cette puissance financière occulte et sans visage le nouvel ennemi du peuple américain ? Si on en croit la croisade lancée par Obama, il y a tout lieu de le croire 🙂

PS : Désolé, c’est un peu long, mais ton billet m’a donné l’occasion d’écrire des idées qui me trottaient dans la tête depuis quelques semaines 🙂

[Reply]

T’as honte de parler de « civil war » sur ton blog alors tu viens t’épancher ici, c’est çà hein ?
M’en vais parler des bisounours sur les petites cases, tu vas voir !

Mais bon, content que tu en parles parce que je n’arrive plus à lire de BD. J’ai essayé avec les watchmen et je ne n’ai pas réussi à le finir …

[Reply]

 

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