Prolétarisation informatique

Il faut commencer par rappeler ce qu’est un prolétaire. Pour avoir posé la question autour de moi, peu de personnes connaissent le terme. Généralement le prolétaire est assimilé à un pauvre, qui vend sa force de travail pour gagner juste assez d’argent jusqu’au lendemain, condamné ainsi à un cercle vicieux, sans espoir de voir un jour le bout du tunnel.

Cette compréhension du terme prolétaire, sans être fausse, ne dit pas tout. En fait, elle ne dit pas l’essentiel :
Un prolétaire est celui qui a été privé de l’exercice d’un savoir-faire, d’une connaissance.
Sans cet exercice, sans cette pratique, il ne peut s’individuer ; il est en permanence dépossédé de son savoir-faire. C’est ce qui c’est passé lors de l’apparition du travail à la chaîne, dans l’introduction de la machine-outil et aujourd’hui dans l’informatisation des entreprises.

L’ERP (Enterprise Resource Planning), ou le progiciel, est l’application informatique qui cristallise la prolétarisation informatique à laquelle nous assistons depuis plusieurs années.

  • Prenez un excellent acheteur, il n’acceptera jamais de travailler avec du SAP, ou tout autre progiciel. Un mauvais acheteur n’aura pas le choix et ne pourra pas refuser le poste.
  • Idem dans le cadre de la Gestion de la Relation Client : ceux qui sont les meilleurs n’utiliseront pas un progiciel de gestion de la relation client. Ils s’organiseront différemment, peut être toujours avec des solutions informatiques, mais différemment.
  • Dans le domaine de la comptabilité et du contrôle de gestion, j’ai toujours vu les acteurs avoir leur classeur Excel en double comptabilité, d’une part parce qu’ils ne font pas confiance au progiciel déployé au sein de leur entreprise, d’autre part parce qu’ils ont la sensation de mieux faire et de mieux comprendre leur métier avec un simple tableur.

Je n’ai aucun plaisir à mettre en place un ERP chez un client, tout comme je n’ai aucun plaisir à utiliser un ERP. Je suis aussi persuadé que ceux qui cherchent des leviers pour motiver leurs salariés devraient regarder à deux fois les coûts cachés d’un ERP, car ce sont de véritables machines à briser le désir qui figent le développement de connaissances et de savoir-faire dans lesquels chacun peut et veut s’individuer.

J’invite chaque entreprise à reconsidérer le statut et le rôle de l’informatisation dans son organisation. Plus l’entreprise est jeune et de petite taille, plus cela est possible. Cela sera plus lent dans les grandes organisations. En effet on croit généralement que les enjeux des grandes entreprises exigent ces ERP, mais c’est totalement faux : on peut faire mieux, pour beaucoup moins cher et de manière beaucoup plus passionnante.
La prolétarisation de nos activités n’a rien de nécessaire, c’est juste une voie dans laquelle nous engagent ceux qui ne comprennent rien à la technique. Ainsi Michel Bon (ancien président de France Telecom) dira-t-il lors d’une conférence à Dauphine :

« La technique, moi, je n’en ai rien à foutre ».

Si d’une part cela dénote une mauvaise éducation, d’autre part, le chef d’une entreprise de technologie qui dénigre complètement la technologie, se fourvoit complètement. Dire cela parce qu’il la laisse à d’autres peut se comprendre puisque ce n’est pas le rôle du dirigeant, mais de là à insulter ses salariés qui, eux, bossent sur la technique, c’est un peu fort de café là …

[Reply]

[…] il semble que nous soyons en train de les utiliser plutôt de manière négative, posés comme de simples rustines, dans une logique de certification, quelque peu rassurante, mais qui démontre une absence de […]

 

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