Remarques sur les Réseaux Sociaux d’Entreprise en 2011

Les réseaux sociaux d’entreprise : pourquoi maintenant ?

Malgré plusieurs essais majoritairement décevants ces dernières années, l’introduction des réseaux sociaux dans les grandes entreprises connaît une très forte accélération depuis fin 2010.

Pourquoi maintenant ?

La première cause semble être bien évidemment la force de propagation des services de réseaux sociaux sur le web. C’est certainement une condition nécessaire, mais elle n’est peut être pas suffisante. Deux autres causes peuvent expliquer ce momentum :

  • Un début de maturité des offres à destination des entreprises. Cela veut dire qu’un marché se constitue et donc qu’il y a une logique de conquête mise en place par les vendeurs de solutions. On a connu çà à plusieurs reprise dans le marché des services informatiques : il y a un effet marketing indéniable qui conditionne les clients dans les entreprises et pousse à des comportements grégaires et mimétiques. On en vient ainsi à entendre : « l’entreprise qui n’a pas son propre réseau social est has been ».
  • Ensuite il y a un risque de fragmentation. On voit bien que chaque éditeur de logiciel, ou fournisseur de services logiciels, commence à proposer un module « social » à son catalogue. Le CRM a son Réseau Social, l’ERP également, les solutions de RH et de Talent Management de même. Il y a donc un risque éminent d’avoir une offre fragmentée des réseaux sociaux dans l’entreprise. Or, quand on sait que l’intérêt d’un réseau social réside premièrement dans l’effet de réseau, il y a une course contre la montre pour essayer d’« imposer » un réseau global avant que les différents départements de l’entreprise n’aient chacun le leur.

Toujours est-il que c’est parti : les projets de mise en oeuvre se multiplient en 2011. more »

Digital Studies (2) : Cultural Analytics

Après les Digital Humanities, j’aborde à présent les “Cultural Analytics” comme autre champ des Digital Studies.

[L’objet des Cultural Analytics selon la nature, le format, et l’origine des oeuvres]

Si les Digital Humanities sont le fruit de la rencontre entre le traitement automatique des langues —  rendu possible par l’informatique —  avec les textes classiques de la tradition occidentale, les Cultural Analytics, elles, bien que reprenant le principe majeur des Digital Studies qui consiste dynamiser une discipline par son couplage avec l’informatique, débordent largement du cadre initial instauré par les Digital Humanities. Et cela pour au moins trois raisons :

  • Ce ne sont plus seulement des oeuvres textuelles et classiques qui sont ici considérées, mais des oeuvres multi-médias et contemporaines. 
  • De plus, il y a une prévalence non plus d’une oeuvre (ou un corpus relativement délimité d’oeuvres) mais d’une multitude d’oeuvres au travers de leur production, diffusion, accès, consultation et consommation. Ce qui met en avant la dimension réticulaire du milieu technologique dans lequel les oeuvres dites « culturelles » sont étudiées. 
  • Enfin, il y a un éclatement de la notion d’oeuvre en ce sens que l’oeuvre devient le produit de l’agrégation des données et de leur mise en forme. Les data sont la matière première numérique, d’une nouvelle approche du culturel.

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Il y a bien une science des réseaux sociaux

Si j’ai parlé d’un nécessaire retour au structuralisme à notre époque du numérique réticulaire c’est notamment pour insister sur ce point qu’il y a bien une science des réseaux sociaux.

D’abord parce que les travaux sur les réseaux sociaux ont bien sûr existé avant les services web de réseaux sociaux : quand Lévi-Strauss était chez les Nambikwaras, en amérique du sud, s’était proprement ce qu’il s’appliquait à faire en retraçant le « graphe » des relations sociales. Il faisait ce qu’il appellera de l’anthropologie structurale : il y a des règles, des patterns et des modèles dans les relations sociales qu’il faut mettre au jour. Par exemple en montrant dans Les structures élémentaires de la parenté que l’interdit de l’inceste a plus à voir avec des structures sociales qu’avec des questions morales.

La démarche structuraliste incarne proprement cette volonté de faire émerger des structures comme condition d’un discours scientifique dans les sciences humaines. La question du retour au structuralisme à notre époque, un siècle après ses prémices, doit à préent s’incarner dans un travail sur une anthropologie au temps du numérique.

Ceux qui créent et qui opèrent des services web de réseaux sociaux sont au coeur de cette question posée par le structuralisme : quelle est la science des réseaux sociaux ?
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Sens et enjeux des modèles de stockage et d’accès aux données

C’est typiquement le genre d’article qui nécessite des corrections, des remarques et peut-être un débat. Alors n’hésitez pas.

Code et data

Pas de code sans données, car le but d’un code est de tourner et de produire des résultats et, pour ce faire, le code doit “manger” des données.

On peut voir le code dans sa forme la plus abstraite comme un algorithme dont le rôle serait de produire des preuves. Mais on peut aussi voir le code comme un algorithme qui ne fait pas simplement que valider et prouver mais également qui produit des changements d’états et des évènements qui, au sens littéral du terme, changent le monde.

On a ici un parallèle avec les “speech acts” de Searle et Austin dont Henry Story avait parlé dans son intervention au MeetUp Semantic Web de Février 2011.

Quiconque écrit un programme s’attend en effet à “changer le monde”, ne serait-ce que pour écrire “Hello World” sur un terminal. Changer le monde avec des algorithmes et du code, Microsoft, Google,  Facebook et d’autres l’on fait, et l’ensemble des développements en Open Source peut-être plus encore.

Pas de code sans données donc.  Or ces données sont stockées dans des supports de mémoires différents selon qu’elles sont en mémoire vive, sur un système de fichier, ou dans une base de donnée. Et chaque support de mémoire utilise un modèle de données qui n’est pas forcément le même. Ce qui nous ramène à la difficile collaboration entre les développeurs et les gestionnaires de base de données.

Si les développeurs et les administrateurs de base de données doivent collaborer, la réalité est parfois toute autre : les développeurs ne comprennent pas toujours le SQL et les RDB (bases de données relationnelles), et les DBA (administrateurs de base de données) ne voient les développeurs que comme de dangereux cowboys qui veulent massacrer l’intégrité de leur données (“mon précieux …”).

Le DBA

Le développeur

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Les enjeux de la grammatisation des relations

(Les illustrations sont de Pavel.K, dessinateur, caricaturiste et illustrateur, que je remercie chaleureusement pour son travail)

Motivations

Je ne vais essayer de faire qu’une seule chose dans ce texte, commenter et expliciter la phrase suivante :

 » les technologies relationnelles produisent des relations grammatisées « 

*

Au sein d’Ars Industrialis, nous avons à plusieurs reprises souligné l’importance du processus de grammatisation :

La grammatisation est un processus de description, de formalisation et de discrétisation des comportements humains (voix et gestes) qui permet leur reproductibilité. Grammatiser, c’est isoler des grammes et des graphes (éléments constitutifs en nombre finis formant un système). Grammatiser c’est donc discrétiser un signal et de ce fait pouvoir le reproduire.  Par exemple, je peux discrétiser la langue avec une trentaine de signes diacritiques : les lettres de l’alphabet. L’alphabet permet de retranscrire n’importe quelle langue du monde dont il accomplit la discrétisation littérale.

Le concept de grammatisation permet de définir des époques et des techniques qui apparaissent et qui ne disparaissent jamais (en aucun cas l’informatique ne fait disparaître la lecture et l’écriture, c’est au contraire une archi-lecture qui change les conditions de la lecture et de l’écriture).

Nous avons également rappelé qu’après la grammatisation de la parole (écriture) puis geste (machine outils), nous en étions actuellement au stade de la « grammatisation des relations », chacun ayant en tête le phénomène des réseaux sociaux (fonctions de partage, de collaboration et de communication) de ces dernières années. C’est cette « grammatisation des relations » qui est l’objet du groupe de travail sur les technologies relationnelles.
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Soin et relation

Ce Samedi 15  Janvier 2011, 14h, au Théâtre de la Colline, Ars Industrialis vous invite à une séance publique autour de la question et du soin et de la relation.

L’invité sera Frédéric Worms, fin connaisseur de la philosophie française,  il est par ailleurs un spécialiste reconnu de Bergson. Ars Industrialis le reçoit également suite la parution de son ouvrage « Le moment du soin » (cf Les relations de soin).

J’ouvrirai la séance en tentant d’introduire les questions relatives aux technologies relationnelles, qui feront l’objet d’une prochaine séance, puis Bernard Stiegler interviendra ensuite avant de laisser place aux questions et à la discussion.

MeetUp Semantic Web : « comment réconcilier le SI legacy et le Web par le Web sémantique ? »

Voici l’enregistrement vidéo du MeetUp Semantic Web de décembre 2010 qui avait lieu au Centre Pompidou. Il y a eu un compte rendu sur le blog d’Antidot. Antidot qui était l’organisateur, avec la participation de l’IRI.

La vidéo a été enregistré par Christian Mrasilevici, qui s’occupe également de Rencontre et débats autrement.

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MeetUp Semantic Web

Ce jeudi 16 décembre 2010, à 17h, rendez-vous au MeetUp Semantic Web (entrée libre et gratuite). C’est organisé par Gautier Poupeau et Antidot, Alexandre Monnin et l’IRI nous hébergeront dans la salle Piazza du Centre Pompidou.

J’y interviendrai en reprenant certains propos que j’ai tenu cette année au sujet des technologies relationnelles pour les appliquer au web sémantique. J’essayerai également d’ouvrir le débat sur l’actualité du web sémantique : sérialisation du RDF, API RDF et RDF comme Hypermedia Type.

Il y aura apparemment du beau monde si j’en juge par la liste des inscrits 🙂

Métastabilité et architectures logicielles

Dans une note précédente sur les technologies relationnelles dans les systèmes d’information, j’ai présenté la métastabilité comme élément dirimant entre les technologies de gestion et les technologies relationnelles. Je voudrai à présent en dire un peu plus sur la métastabilité et sur ses enjeux, notamment en appliquant le concept simondonien de métastabilité à l’informatique (je suis loin d’épuiser le sujet).

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Natifs du littéral, natifs de l’analogique et natifs du numérique

Voici l’enregistrement audio de l’allocution de Bernard Stiegler prononcée le 23 novembre 2010 lors de la journée interdisciplinaire autour du thème « Ethique et politique de la coexistence dans la société de l’information. Eléments pour une écologie sociale », qui avait lieu à l’Institut Telecom.

Cette rencontre était organisée par :

  • L’Équipe de recherche « Ethique, Technologies, Organisations, Société » (ETOS), Institut Télécom / TEM Research
  • Le Centre de recherche « Sens, Éthique, Société » (CERSES), UMR 8137 – CNRS/ Université de Paris Descartes

Il y est question de technologies relationnelles, d’individuation et notamment d’individuation technique, de sphère privée / sphère publique, de la figure d’Hermès et des travaux de JP Vernant, de synchronie et de diachronie, ainsi que du danger du concept de « manque », à ne pas confondre avec le concept de « défaut ».